« Croyez en vos rêves !
Il y a plein d’exemples de réussites dans la société.
Autant chez les hommes que chez les femmes »
« J’ai étudié le Fond Diffus Cosmologique (CMB en anglais), qui est la lumière émise 380 000 ans après le Big Bang, la plus lointaine possible visible, qui nous offre une “photographie” de ce qu’était l’univers à ce moment-là J’ai développé des méthodes statistiques qui permettent d’améliorer la récupération des données utiles à son étude : pour simplifier, nous avons des cartes de l’Univers qui nous viennent du satellite Planck, et pour étudier le CMB, »
« Il est vrai qu’en France nous valorisons des bases théoriques solides avant d’entreprendre quoi que ce soit. Nous misons sur la rigueur et une remise en question permanente, là ou aux États-Unis, les essais pratiques sont très rapidement mis en œuvre. En effet, la dynamique de Bachelard encourage une approche méthodique et prudente, où un ancrage théorique solide est nécessaire avant de passer aux tests expérimentaux. »
« Les associations scientifiques et techniques offrent également un excellent moyen de promouvoir la science à l’échelle nationale, avec la liberté de le faire selon des approches diversifiées et choisies, sans dépendre de l’État ou d’autorités extérieures moins expertes dans le domaine. »
Parcours
je m’appelle Mathilde Guitton, et je suis tout juste diplômée de l’ISAE-SUPAERO, une école d’ingénieur spécialisée en aéronautique et aérospatial. J’ai grandi à Paris, où j’ai effectué toute ma scolarité jusqu’à la classe préparatoire à Saint-Louis, sur le fameux boulevard Saint-Michel. J’ai eu la chance de fréquenter un très bon lycée, le lycée Jean-Baptiste Say dans le 16è arrondissement, qui m’a très bien formée à mon entrée en classes préparatoires. Je fais partie de ces fameuses personnes qui ont fait 5/2 – manière de désigner ceux qui ont fait une 3è année de prépa, car l’intégrale de X (surnom de l’école Polytechnique) entre 2 et 3 (années) vaut 5/2. Après le premier confinement, et des concours sans oraux cette année-là, j’ai déménagé dans la belle ville de Toulouse pour commencer mon école d’ingénieur.
Présentation d’Isae-Supaero
Comme évoqué précédemment, j’ai été admise à l’ISAE-SUPAERO, l’école leader en ingénierie française pour l’aéronautique et l’aérospatial. Elle fait partie du groupe ISAE, qui regroupe l’ISAE-ENSMA, l’ISAE-SUPMECA, l’école de l’Air et de l’Espace, l’ESTACA, et tout nouvellement, l’ENAC.
C’est une école certes spécialisée, très fière de ses alumnis (notamment Thomas Pesquet et Sophie Adenot, astronautes de l’ESA), mais qui permet d’accéder à un large choix de métier pas forcément liés à son domaine de prédilection.
Les avantages de l’école sont nombreux : des cours de très bonne qualité, un campus agréable aux nombreuses infrastructures, mais surtout des associations très diverses. On peut y effectuer pour peu cher la plupart des sports aériens (parachute, parapente, PPL, ULM), nautiques (surf, plongée, water polo …) et d’équipe (rugby évidemment, football, handball, basket …). Les associations techniques sont aussi à l’honneur avec le Supaero Space Section (surnommé S3), qui fabrique des fusées étudiantes(minifusées et fusées expérimentales), avec notamment le premier projet en France de fusée 100% étudiante (moteur compris), ou le Club Mars, qui envoie chaque année des étudiants faire une mission d’un mois de simulation martienne dans l’Utah (MDRS).
Le cursus est à ce jour (des changements sont à venir à cause de la CTI) extrêmement libre. Sur les 3 ans d’école (6 semestres) :
- le S1 et S3 sont du tronc commun,
- le S2 des électifs,
- le S4 voit la plupart des étudiants (~2/3) partir en échange universitaire aux quatre coins du monde
- le S5 voit tout le monde revenir pour se spécialiser (filière et domaine, équivalent majeure, mineure)
- le S6 est le stage de fin d’étude
Quasiment 100% de la promotion chaque année fait une césure, qui se compose généralement de 2 stages, ou d’un stage puis d’un long voyage de quelques mois (Asie, Amérique du Sud…), ou la réalisation d’un projet personnel (album de musique, écriture d’un livre, lancement d’une start-up …).
Le S4 et la césure sont interchangeables, c’est-à-dire qu’un élève peut faire 6 mois de césure, 6 mois de S4 à l’étranger, puis 6 mois de césure à nouveau.
Au final, SUPAERO est à mes yeux est l’une des écoles en France qui offre le plus d’opportunités, en terme à la fois de la qualité des débouchés, mais aussi d’ouverture sur le monde, et elle nous encourage à entreprendre et ne jamais rester sans rien faire.
Stage de cosmologie au Jet Propulsion Laboratory (NASA)
Le stage que j’ai effectué à la NASA(JPL) pendant 5 mois était mon stage de fin d’étude, le stage qui devait valider mes compétences et me permettre d’accéder au titre d’ingénieure. C’est l’équivalent français d’une Master thesis, même si l’exercice est différent car le rapport de stage n’est pas obligatoirement construit comme un mémoire. Il s’est inscrit dans la continuité de ma filière (Observation de la Terre et Sciences de l’Univers – OTSU).
Le stage devait témoigner d’une démarche d’ingénieur ou de chercheur et montrer que nous étions prêt à rentrer dans le monde du travail. Beaucoup de stages de fin d’étude se soldent d’ailleurs par un CDI dans l’entreprise.
J’ai étudié le Fond Diffus Cosmologique (CMB en anglais), qui est la lumière émise 380 000 ans après le Big Bang, la plus lointaine possible visible, qui nous offre une “photographie” de ce qu’était l’univers à ce moment-là.
J’ai développé des méthodes statistiques qui permettent d’améliorer la récupération des données utiles à son étude : pour simplifier, nous avons des cartes de l’Univers qui nous viennent du satellite Planck, et pour étudier le CMB, nous avons besoin de “cacher” toutes les contributions entre lui et nous (la poussière galactique ou rayonnements électromagnétiques par exemple). Pour cela, on utilise des masques, et j’ai essayé d’affiner les méthodes de création de ces masques pour qu’ils cachent tout ce qu’on veut éviter tout en conservant les données importantes.
C’était un travail assez personnel, guidé par mes mentors, mais qui pourrait aider beaucoup de chercheurs.
Mes deux tuteurs à la NASA étaient le Prof. Dr. hab. Krzysztof Gorski – polonais –, et le Dr. Graça Rocha – portugaise –, tout deux très reconnus en cosmologie.
Mon tuteur côté Supaero était tout simplement le directeur de filière, qui n’a qu’un rôle administratif et n’intervient pas dans le stage.
Vos ressentis concernant le haut niveau scientifique au sein du JPL et vos relations auprès d’élites de renommées internationale
Il y a beaucoup de scientifiques et ingénieurs très reconnus au sein du JPL. On se rend compte aussi qu’il y a beaucoup d’internationaux.
En ce qui concerne les stages, la plupart des stagiaires américains (summer internship, 10 semaines, 4000$ / mois ou plus) sont des bachelors (équivalent bac +1 à bac +4), et les stagiaires internationaux sont majoritairement en master ou en PhD (stages jusqu’à 1 an, non rémunéré).
La différence de niveau est flagrante : les élèves américains, même d’institutions prestigieuses comme au MIT, ont un niveau très faible comparé au niveau français. La conclusion était unanime au sein des stagiaires français : nous sommes avons un excellent niveau théorique, surtout en mathématiques, et une rigueur excellente, qui nous viennent majoritairement des classes préparatoires.
En ce qui concerne le staff, le niveau est très bon, les Américains savent attirer à eux les profils intéressants et recruter les meilleurs chercheurs et ingénieurs.
Pour comprendre la cosmologie, nous vous recommandons l’écoute des interviews de trois femmes extraordinaires, 3 grandes spécialistes: Françoise Combes, Merieme Chadid et Florence Durret :
Quelques scientifiques permanents hors pair du Jet Propulsion Laboratory (JPL) et du Goddard Space Flight Center, cinq français dont trois ont travaillé sur le rover Perseverance et ingenuity : Nacer Chahat, Jeff Delaune et Gregory Dubos:
Carrière envisagée
Je commence tout juste une thèse à l’EPFL à Lausanne, en Suisse, toujours en cosmologie. Le stage à la NASA m’a convaincu que la recherche est un domaine qui me plaît et dans lequel je veux m’engager. Je reviendrai peut-être plus vers l’ingénierie par la suite, mais pour le moment, je me plais en cosmologie.
Une rencontre
J’ai toujours été passionnée par l’univers et ses secrets. Après le lycée, je suis entrée en classes préparatoires car je voulais me garder le plus de choix d’orientations le plus longtemps possible. L’objectif de rejoindre Supaero m’est ensuite assez vite venu, notamment grâce à l’influence de Thomas Pesquet.
Femmes scientifiques françaises leaders et inspirantes
Malheureusement, les exemples de femmes scientifiques vraiment connues sont trop peu nombreuses. L’un des exemples historiques que je trouve très inspirant est évidemment la marquise du Châtelet(1706-1749), qui parvient à s’imposer brillamment à une époque où les femmes ne jouent, en apparences, qu’un rôle secondaire dans les sciences et la société.
« Voltaire et du Châtelet ont longuement travaillé sur une lecture critique des Saintes Écritures dans les premières années de leur vie ensemble. Tandis que Voltaire travaille sur ses Éléments de la philosophie de Newton, en 1736, afin de vulgariser les théories du scientifique, il a échangé sur ces théories avec Du Châtelet ; il précisera dans la préface lors de la parution en 1738 qu’une certaine partie est issue du travail de celle-ci. Par ailleurs, selon Andrew Brown, un spécialiste de Voltaire : « Ils définissaient des sujets d’étude ensemble, travaillaient ensuite dans leur coin, puis comparaient leurs résultats » » Source wikipédia
Pour évoquer des exemples plus récents, je suis fière d’avoir rejoint la même école que Sophie Adenot, sélectionnée en temps qu’astronaute de l’ESA, ou encore Inès Belgacem, notre marraine de promotion, docteure en planétologie, qui a aussi travaillé au JPL.
Quels conseils pourriez-vous donner aux étudiantes qui souhaitent s’engager
dans les domaines scientifiques dans une dynamique de réussite collective ?
En effet, aujourd’hui on a tendance à nous intéresser aux femmes qu’individuellement, alors qu’on oublie souvent qu’elles jouent des rôles essentiels dans le collectif malgré la présence de plafonds de verre. Mais on a aussi tendance à oublier les réalités sociale ( crises, individualisme, discrimination, racismes…) qui augmente les difficultés d’épanouissement et de réussite individuelle et collective. Il faut tenir compte des deux :).
Le premier conseil est évidemment de dire à toutes les jeunes filles ou femmes qui souhaitent s’engager dans une carrière scientifique de ne surtout pas hésiter. Nous avons largement les capacités de réussir et la confiance vient avec le temps, même si cela nécessite un gros travail personnel pour réussir à s’imposer quand c’est nécessaire.
Pour favoriser une réussite collective, je pense qu’il faut parvenir à s’affranchir de la compétition uniquement entre femmes. Arrêtons de nous comparer uniquement à nos collègues, supérieures ou idoles ! Nous pouvons toutes coexister en équipe et toutes les places nous sont accessibles sans distinction, même celles des hommes !
Ensuite, le travail scientifique et technologique est avant tout un travail d’équipe, et une dynamique collective peut justement aider à briser les plafonds de verre. Là aussi, il ne faut pas hésiter à partager ses réussites, mettre en avant son travail ou celui de ses collègues, et ouvrir la parole par de la vulgarisation par exemple. Cela encourage les jeunes filles à s’engager dans des voies scientifiques et légitime nos travaux.
Enfin, je pense qu’il ne faut pas voir un métier ou domaine à dominance masculine comme un frein à nos envies. Cela permet au contraire de développer des qualités précieuses : patience, répondant, confiance en soi, persévérance … Il est parfois agréable de réfléchir “comme un homme” !
Une culture professionnelle différente
La culture professionnelle aux États-Unis, est-elle différente de celle de l’Europe et de la France en particulier ?
Le premier choc sur la culture du travail est la manière dont nous l’envisageons. En Californie, il est tout à fait normal, voire encouragé, d’être extrêmement ambitieux, de vouloir grimper les échelons et de viser des rémunérations très élevées. L’argent et le succès ne sont absolument pas des sujets tabous, bien au contraire, ils font partie intégrante des discussions quotidiennes. Les Américains parlent ouvertement de leurs objectifs financiers et de carrière, sans complexe. En France, en revanche, le rapport à l’argent est bien plus discret, souvent entouré d’une certaine pudeur. Il est rare que les discussions autour du salaire ou du succès professionnel soient aussi directes, et il existe parfois un sentiment de gêne à l’idée de parler de richesse ou d’ambition personnelle.
Nous avons aussi tendance en Europe à être beaucoup plus discrets sur nos réussites personnelles, là où les américains se vendent extrêmement bien. C’est ce qui je pense favorise l’innovation chez eux, là où nous sommes très précautionneux sur chaque nouvelle avancée. Cela est aussi renforcé par leurs capacités monétaires, bien supérieures aux nôtres, ce qui leur laisse plus de marge de manœuvre pour investir dans des projets très longs et coûteux.
La démarche scientifique
Dans le cadre de la résolution de problèmes scientifiques 👨🔬, la démarche expérimentale utilisée aux États-Unis est-elle différente de celle développée/utilisée en France ? Car ici, on a tendance à concevoir l’esprit de la démarche scientifique dans la dynamique de Gaston Bachelard* – Philosophe des sciences français (1884-1962) – théoricien de la connaissance scientifique.
Nota bene : « La démarche scientifique est la méthode utilisée par les scientifiques pour parvenir à comprendre et à expliquer le monde qui nous entoure. De façon simplificatrice, elle se déroule en plusieurs étapes : à partir de l’observation d’un phénomène et de la formulation d’une problématique, différentes hypothèses vont être émises, testées puis infirmées ou confirmées ; à partir de cette confirmation se construit un modèle ou théorie. L’observation et l’expérimentation sont des moyens pour tester les différentes hypothèses émises. » Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Il est vrai qu’en France nous valorisons des bases théoriques solides avant d’entreprendre quoi que ce soit. Nous misons sur la rigueur et une remise en question permanente, là ou aux États-Unis, les essais pratiques sont très rapidement mis en œuvre. En effet, la dynamique de Bachelard encourage une approche méthodique et prudente, où un ancrage théorique solide est nécessaire avant de passer aux tests expérimentaux.
SpaceX a explosé une dizaine de boosters avant d’en récupérer un, là où le vol d’inaugural d’Ariane 6 a été repoussé jusqu’on ait la quasi certitude qu’il soit parfait. Les États-Unis misent davantage sur l’innovation : l’échec n’y est pas négatif, c’est au contraire une opportunité d’apprendre. En Europe, et particulièrement en France, le premier essai doit être réussi, d’autant plus que nos moyens sont plus limités.
* Maître véritable, dans le sens de lien direct, du philosophe et historien des sciences Michel Serres (1930-2019), issue de la vraie tradition philosophique et scientifique française. – Le Tiers-instruit – Michel SERRES : « Le but de l’instruction est la fin de l’instruction, c’est-à-dire l’invention. L’invention est le seul acte intellectuel vrai, la seule action d’intelligence. Le reste ? Copie, tricherie, reproduction, paresse, convention, bataille, sommeil. Seule éveille la découverte. L’invention seule prouve qu’on pense vraiment la chose qu’on pense, quelle que soit la chose. Je pense donc j’invente, j’invente donc je pense : seule preuve qu’un savant travaille ou qu’un écrivain écrit. »
[ La Petite Info ]
Le saviez-vous ?
Les talents français sont des joyaux à l’international !
Allan Petre a eu la chance de faire un stage de 6 mois au sein du JPL, l’un des grands centres de la NASA, du mois de janvier-juillet 2024! En effet, beaucoup d’ingénieurs français sont accueillis chaque année, au sein des différents centres de la Nasa, dans le cadre de réalisations de stages au cœur des plus grands projets aérospatiaux. À la suite de son premier stage, Allan a enchaîné un second stage de 12 mois, non rémunéré, à partir des vacances d’été 2024. Son objectif, acquérir le plus d’expérience possible et bénéficier d’un lieu unique au monde : le JPL . Il est jeune et très ambitieux, nous sommes persuadés que sa persévérance lui permettra d’obtenir un travail qui lui correspond.
Charles Millancourt – Ingénieur aérospatial – Visiting Student Research NASA (JPL): « L’équipe dans laquelle j’étais était l’Aerial Mobility Group de la NASA, qui a travaillé au préalable sur la mission de démonstration Ingenuity sur Mars : un hélicoptère emmené sur Mars par le rover Perseverance et qui a fait 72 vols. C’était impressionnant de se retrouver avec ces personnes et travailler avec eux. Cette expérience dans un contexte aussi technique et exigeant m’a donné l’opportunité de mettre en pratique les compétences que j’ai acquises à l‘ISAE-Supaero et lors de mes projets personnels pour approfondir ma connaissance des technologies de pointe que j’étudie. »
Les élites scientifiques et les classes populaires
Quels regards portez-vous sur les dynamiques sociales et humaines californiennes, entre les belles réussites scientifiques, les élites de grandes renommées et les classes sociales populaires ? Les liens , la solidarité , les aides concrètes ..? En comparaison avec la situation française où la culture scientifique n’est pas aussi populaire qu’au États-Unis, malgré la qualité, et de ce fait beaucoup moins accessible aux classes sociales populaires.
Tout d’abord, il faut rappeler que le PIB des États-Unis est 80% supérieur au nôtre, et que par conséquent nous sommes pauvres par rapport à eux. Ils sont d’ailleurs moins regardant sur la classe sociale que nous : pour eux, le travail paye, et ceux qui s’en donnent les moyens pourront réussir aussi bien qu’ils le souhaitent.
J’ai notamment une amie qui était la première de sa famille à aller à l’université, et pas n’importe laquelle puisqu’elle étudiait au MIT. Ses parents ont très bien réussi leur vie, même sans études. C’est une différence majeure avec la France, qui valorise parfois trop les métiers qui requièrent des études longues par rapport à des métiers tout aussi importants dans notre société. Aux États-Unis, le travail et la volonté sont au final plus reconnus que les études et je dirais qu’il est beaucoup plus facile de s’y élever socialement.
En Californie, il y a effectivement un gros contraste entre la richesse de la Silicon Valley, de Beverly Hills, ou des écoles comme Stanford, et le nombre de sans-abri (la moitié des sans-abri américains vivent en Californie), ou les addict à la drogue, notamment au Fontanyl, la “drogue du zombie”, qu’on peut croiser dans la rue. Cela dit, si les égalités sont effectivement plus grandes aux États-Unis qu’en France, cela ne veut pas dire qu’il fait moins bon vivre aux US. Seuls 2% des Américains sont au minimum fédéral (7,2$ de l’heure), contre presque 20% des salariés français au SMIC (9,4€ de l’heure). Et plus on monte dans les qualifications, plus les salaires sont élevés !
Les STEM sont aussi beaucoup plus reconnus aux États-Unis, que ce soit en terme de reconnaissance sociale ou de salaire. Je pense que ce dernier point joue beaucoup dans l’envie des jeunes de poursuivre des carrières scientifiques. L’expérience y est aussi valorisée : un Bachelor (4 ans d’études post-bas) suffit à prétendre à des postes d’ingénieurs déjà très bien rémunérés.
Il est aussi possible de commencer ses études dans une université publique (city college par exemple), puis de demander à changer pour une université plus reconnue que ce soit pour la fin du bachelor, ou le master.
En France, je pense que le système est l’un de ceux qui est le plus accessible, peu importe la classe sociale d’origine, notamment au travers des classes préparatoires, qui jugent seulement sur le niveau. Le plus gros problème de ce système vient du fait qu’il n’est pas suffisamment connu de tous, mais il est aussi celui qui permet à la France d’avoir parmi les meilleurs ingénieurs et chercheurs du monde (les meilleurs mathématiciens du monde sont Français).
La différence fondamentale à mes yeux entre la France et les États-Unis vient de notre rapport au collectif. Aux États-Unis, on promeut la réussite personnelle, car on considère que si chaque individu apporte son maximum, la société suivra et deviendra meilleure pour tous. En France, l’individu doit s’effacer au profit de la société donc la réussite personnelle est moins mise en avant, ce qui peut décourager de s’engager dans des filières scientifiques.
La préservation de l’excellence française
Pour avoir conscience des différents enjeux à l’international ; au-delà des contextes d’investissements financiers importants et nécessaires, pour le développement des connaissances scientifiques d’un pays. En considération des continents comme l’Asie et les États-Unis (au regard du nombre d’ingénieurs formés chaque année, + 60 000 par an en Europe, dont + 30 000 en France et plus de 1,2 million en Chine…) :
La France peut-elle continuer à développer et partager son savoir-faire d’excellence, de réputation mondiale, sur le concert international sans y apporter quelques modifications/considérations ?
En tant qu’individus, les ingénieurs et chercheurs français sont très reconnus et très recherchés sur la scène internationale. Le gros problème de la France est de justement réussir à garder ses talents. Pour que les entreprises ou laboratoires français puissent être compétitifs à l’internationale, il faut qu’elles réussissent à garder le savoir-faire français chez elles.
Pour cela, nous avons déjà discuté de la valorisation des carrières scientifiques : promouvoir l’excellence, le travail, la rigueur, sont les meilleurs moyens d’attirer les bons élèves dans ces filières.
Pour les garder, il faut ensuite adapter les salaires : on ne peut pas être compétitif sur la scène internationale, si les salaires d’ingénieur en sortie d’école sont à plus de 100 000$ / an aux États-Unis, ou 80-90 000 CHF par an en Suisse par exemple.
Il est également essentiel, à mon avis, de valoriser les métiers techniques qui ne relèvent pas nécessairement des fonctions de cadre, mais qui sont tout aussi cruciaux pour le développement industriel : les techniciens, les mécaniciens, les soudeurs, les électriciens … Ce sont des métiers indispensables à de nombreux secteurs, mais malheureusement moins reconnus car les études y sont moins longues.
Enfin, il faut réussir à créer un environnement propice à l’innovation, en réduisant la bureaucratie, en facilitant l’accès aux financement, en allégeant les contraintes réglementaires pour les entreprises, en encourageant l’embauche.
La France mène de nombreux projets de recherche scientifique en partenariat avec les US ou la Chine, ce que je considère être une très bonne chose. En revanche, je pense qu’il faut qu’elle réussisse à s’affirmer au niveau Européen, peut-être dans l’optique de devenir un leader qui pousserait l’innovation et la recherche. Nous avons un marché formidable, qui a beaucoup de mal à se développer à cause de nos désaccords internes. Si nous voulons pouvoir rivaliser avec les États-Unis ou l’Asie, il nous faut afficher un front fort.
En dehors des écoles d’ingénieurs et des universités,
les associations scientifiques et techniques
vous semblent-elles être une nécessité au sein de notre société ?
Les associations scientifiques sont à mes yeux indispensables. En regroupant des chercheurs ou ingénieurs de toute la France, elles favorisent les échanges d’idées, et peuvent s’appuyer sur les spécialités de chacun, ce qui justement renforce notre compétitivité à l’international.
Elles offrent également un excellent moyen de promouvoir la science à l’échelle nationale, avec la liberté de le faire selon des approches diversifiées et choisies, sans dépendre de l’État ou d’autorités extérieures moins expertes dans le domaine.
Elles peuvent offrir un réseau de soutien professionnel précieux, et si elles sont organisées à l’échelle locale, permettre de défendre au mieux les intérêts des chercheurs ou ingénieurs de la région. Cela permet de décentraliser la connaissance et l’attractivité scientifique en dehors de Paris, en favorisant le développement de certaines régions et en y implantant des nouveaux pôles de compétence (comme cela a été très bien fait avec Toulouse et l’aéronautique par exemple).
Enfin, elles jouent un rôle clé auprès des jeunes à travers la vulgarisation ou l’éducation scientifique. Il n’y a rien de plus inspirant que de voir un passionné venir partager son métier à l’école ou lors de conférences et d’expositions. L’ingénierie et la recherche en particulier dans le domaine du spatial (vie extraterrestre, fusées, etc.) captivent l’imagination et éveillent l’intérêt pour les sciences.
Article de :
- Mise en page web et propos recueillis par : Halim BENNADJA, chef de projet à l’Association Odyssée Céleste
- Réponses de mathilde Guitton, ingénieure aérospatiale.
- Date de réalisation : 13/11/2024
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Mathilde Guitton – Ingénieure aérospatial
Visiting Student Research NASA (JPL) – Les français ont des talents inestimables ✨