« Croyez en vos rêves ! Il y a plein d’exemples de réussites dans la société»
« Cette expérience dans un contexte aussi technique et exigeant m’a donné l’opportunité de mettre en pratique les compétences que j’ai acquises à l’ISAE-Supaero et lors de mes projets personnels pour approfondir ma connaissance des technologies de pointe que j’étudie. Le travail était technique et parfois difficile. Cela alliait à la fois le “software” (code et algorithmes) et “l’hardware” (un vrai drone sur lequel on faisait nos tests). Plus précisément, la mission s’appelait LORAN (LOng RAnge Navigation) qui a pour objectif d’élaborer un logiciel de navigation pour drone martien, lors de la future mission martienne (l’hélicoptère s’appelle Chopper). Ce logiciel est composé de différents blocs séparés les uns des autre : estimation de position, positionnement sur une carte, vol autonome etc. »
Parcours
Je m’appelle Charles Millancourt, étudiant à l’ISAE-Supaero en dernière année et spécialisé en ingénierie aérospatiale.
Après un bac scientifique, je me suis dirigé vers les classes préparatoires scientifiques après lesquelles j’ai intégré l’école de mes rêves : ISAE-Supaero. J’ai grandi en région parisienne, à Saint-Maur(94) où j’ai effectué tout mon cursus scolaire jusqu’à l’école d’ingénieur, qui est située à Toulouse.
Durant mon cursus ingénieur, j’ai eu l’opportunité d’étudier un semestre à l’Université de Toronto en 2023, où j’ai étudié la robotique et la vision par ordinateur.
Entre la deuxième et troisième année, j’ai pu également effectué une césure pour trouver ma spécialité. J’ai effectué deux stages de 6 mois : un au CNES (Centre National d’Études Spatiales) et un à la NASA (JPL). Au CNES, j’ai travaillé sur un rover lunaire émirati programmé pour être envoyé par l’agence de Dubaï sur la Lune, le Mohammed Bin Rashid Space Centre: MBRSC. Ce rover embarquait trois caméras françaises et j’étais chargé d’aider les équipes pour la navigation du rover lors des tests. Trois caméras CASPEX qui sont placées à l’avant, à l’arrière, et au bout d’un mât de Rashid.
Cela faisait intervenir de la reconstruction 3D du terrain, de la réalité augmentée, de la stéréoscopie et traitement d’image. Mon travail a été publié dans une revue scientifique Space Science Reviews.
Désormais, ma spécialité dans le monde du spatial est la robotique, le deep learning et la vision par ordinateur : des domaines très utiles et appréciés dans l’exploration spatiale pour les rovers, drones, sous-marins etc.
Stage au Jet Propulsion Laboratory (JPL)
Le Jet Propulsion Laboratory (JPL) est un centre de recherche et développement de la NASA, spécialisé dans l’exploration robotique du système solaire. J’ai vécu un stage de 6 mois incroyable au JPL, à différents niveaux : académique, culturel et personnel.
D’un point de vue académique, j’ai eu la chance exceptionnelle de collaborer avec une équipe de recherche et d’ingénierie de haut niveau sur des projets en robotique et en vision par ordinateur, deux domaines essentiels pour l’exploration. L’équipe dans laquelle j’étais était l’Aerial Mobility Group de la NASA, qui a travaillé au préalable sur la mission de démonstration Ingenuity sur Mars : un hélicoptère emmené sur Mars par le rover Perseverance et qui a fait 72 vols. C’était impressionnant de se retrouver avec ces personnes et travailler avec eux. Cette expérience dans un contexte aussi technique et exigeant m’a donné l’opportunité de mettre en pratique les compétences que j’ai acquises à l‘ISAE-Supaero et lors de mes projets personnels pour approfondir ma connaissance des technologies de pointe que j’étudie. Le travail était technique et parfois difficile. Cela alliait à la fois le “software” (code et algorithmes) et “l’hardware” (un vrai drone sur lequel on faisait nos tests).
Vidéo des 72 vols d’ingenuity
Plus précisément, la mission s’appelait LORNA (LOng Range NAvigation) qui a pour objectif d’élaborer un logiciel de navigation pour drone martien, lors de la future mission martienne (l’hélicoptère s’appelle Chopper). Ce logiciel est composé de différents blocs séparés les uns des autre : estimation de position, positionnement sur une carte, vol autonome etc. Mon stage a été divisé en trois parties : d’abord la compréhension du sujet, des enjeux et la prise en main des outils déjà développés, puis la partie implémentation du code pour l’outil de navigation, et enfin les tests sur le drone en intérieur et extérieur. Les tests ont été un moment important pendant mon séjour, cette campagne a duré pratiquement deux mois durant lesquels on a pu tester les algorithmes de navigation avec notamment l’estimation de position sur laquelle je travaillais. Le passage de la simulation à la réalité a été parfois compliquée mais toujours enrichissante : beaucoup de problèmes à résoudre, des moments d’euphorie lorsque le drone fonctionnait.
Mon tuteur de la NASA était Jeff Delaune, un français, spécialisé en vision par ordinateur pour la navigation de drones.
La présentation finale de mon stage a été un moment important pour montrer les résultats à l’équipe, synthétiser tout mon travail et rassembler les données. Grâce à cette occasion, j’ai pu défendre mes résultats, recevoir des commentaires constructifs de la part de mon équipe et échanger sur les futures orientations techniques. Non seulement cela a été un défi stimulant, mais cela m’a aussi donné l’opportunité de renforcer ma confiance en mes compétences techniques.
Quelques scientifiques permanents hors pair du Jet Propulsion Laboratory (JPL), ayant travailler sur le rover Perseverance, dont deux français, Nacer Chahat et Gregory Dubos,
[ La Petite Info ]
Le saviez-vous ?
Les talents français sont des joyaux à l’international !
Allan Petre a eu la chance de faire un stage de 6 mois au sein du JPL, l’un des grands centres de la NASA, du mois de janvier-juillet 2024! En effet, beaucoup d’ingénieurs français sont accueillis chaque année, au sein des différents centres de la Nasa, dans le cadre de réalisations de stages au cœur des plus grands projets aérospatiaux. À la suite de son premier stage, Allan a enchaîné un second stage de 12 mois, non rémunéré, à partir des vacances d’été 2024. Son objectif, acquérir le plus d’expérience possible et bénéficier d’un lieu unique au monde : le JPL . Il est jeune et très ambitieux, nous sommes persuadés que sa persévérance lui permettra d’obtenir un travail qui lui correspond.
Julien Thau – Ingénieur aérospatial – Visiting Student Research NASA (JPL) : « Mon stage aura duré un peu plus de 5 mois et s’est déroulé au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, à Pasadena. J’ai travaillé sur le concept de mission nommé « Gravity Poppers » qui a pour objectif de cartographier le champ de gravité des astéroïdes avec des précisions encore jamais atteintes. Pour mieux comprendre l’enjeu, le champ de gravité d’un corps n’est pas uniforme. Sur Terre par exemple, la gravité va être un peu plus importante à l’équateur qu’aux pôles, puisque notre planète est un peu aplatie (ne me faites pas dire ce que j’ai pas dis 😁 ). De ce fait, il est très important de pouvoir cartographier les valeurs du champ de gravité car cela va permettre d’avoir des informations sur la topographie ou composition interne de ce corps! »
et d’autres …
Une rencontre ?
Ce n’est pas une rencontre particulière qui m’a influencé mais une passion qui m’a amené à choisir cette voie. C’est à travers les livres et films de science fictions que cette passion est née, puis en 2016, c’est sans doute Thomas Pesquet, avec la mission Proxima, qui m’a amené à choisir l’ISAE-Supaero comme école spécialisée en aérospatial.
Dans quel domaine souhaiteriez-vous faire carrière ?
J’ai vécu de nombreux moments marquants pendant mon séjour au JPL, tant sur le plan professionnel que personnel. Collaborer avec des équipes de haut niveau sur une mission d’exploration de la planète rouge a été bien sûr l’expérience la plus intense de mon séjour : discuter, travailler et collaborer avec une telle équipe m’a fait grandir et m’a permis de découvrir d’autres méthodes de travail, à l’américaine.
C’est avec certitude maintenant que j’aimerais travailler dans un milieu enrichissant comme une agence spatiale, en travaillant avec des personnes de toutes nationalités sur des missions d’envergure mondiale. Il s’agit indéniablement d’un moment crucial dans ma vie personnelle et professionnelle, qui a non seulement confirmé mes aspirations, mais a également influencé ma vision à long terme de ma carrière et de mon avenir.
C’est dans la robotique, vision par ordinateur pour l’exploration spatiale que j’aimerais évoluer par la suite. C’est un domaine vaste et prometteur, utile pour l’exploration mais également pour l’observation de la Terre.
Une culture professionnelle différente
La culture professionnelle aux États-Unis, de la NASA, est-elle différente de celle de l’Europe(ESA), de la France(CNES) en particulier ?
Collaborer avec des équipes de haut niveau sur une mission d’exploration de la planète rouge a été bien sûr l’expérience la plus intense de mon séjour : discuter, travailler et collaborer avec une telle équipe m’a fait grandir et m’a permis de découvrir d’autres méthodes de travail, à l’américaine. J’aime beaucoup cette manière de travailler, avec une hiérarchie très “horizontale”, où la discussion se fait beaucoup plus facilement entre le chef de projet, le chef d’équipe et les stagiaires par exemple. Cette rupture culturelle a été très enrichissante : elle m’a donné une grande capacité d’adaptation, une ouverture d’esprit renforcée et une meilleure compréhension des modes de vie et de travail américains.
Ayant également effectué un stage au CNES de 6 mois au préalable, je peux comparer deux milieux qui se ressemblent sur le fond, mais qui présentent des différences sur la forme. Aux États-Unis, on va préférer tester les algorithmes avant d’être sûr qu’ils fonctionnent, essayer sur un véritable drone quitte à avoir quelques accidents de temps en temps, puis analyser les résultats pour re tester le lendemain.
La démarche scientifique
Dans le cadre de la résolution de problèmes scientifiques 👨🔬, la démarche expérimentale utilisée aux États-Unis est-elle différente de celle développée/utilisée en France ? Car ici, on a tendance à concevoir l’esprit de la démarche scientifique dans la dynamique de Gaston Bachelard* – Philosophe des sciences français (1884-1962) – théoricien de la connaissance scientifique.
Nota bene : « La démarche scientifique est la méthode utilisée par les scientifiques pour parvenir à comprendre et à expliquer le monde qui nous entoure. De façon simplificatrice, elle se déroule en plusieurs étapes : à partir de l’observation d’un phénomène et de la formulation d’une problématique, différentes hypothèses vont être émises, testées puis infirmées ou confirmées ; à partir de cette confirmation se construit un modèle ou théorie. L’observation et l’expérimentation sont des moyens pour tester les différentes hypothèses émises. » Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Comme je disais au préalable, aux États-Unis on va beaucoup tester les choses, regarder comment les algorithmes réagissent et analyser les résultats ensuite. Par exemple dans le cadre de mon stage, j’ai pu tester le drone dans la grande “cage à drone” du JPL. C’était souvent imprévisible, il fallait souvent réparer l’appareil suite à des atterrissages un peu violent ! Cela fait partie du processus, et les données récoltées servent à corriger les problèmes pour le vol suivant. C’est une démarche qui me convient très bien, qui donne rapidement vie au code que l’on développe, pour le voir fonctionner sur un véritable robot le lendemain ! Je dirais que c’est cela qui est différent entre les États-Unis et la France.
* Maître véritable, dans le sens de lien direct, du philosophe et historien des sciences Michel Serres (1930-2019), issue de la vraie tradition philosophique et scientifique française. – Le Tiers-instruit – Michel SERRES : « Le but de l’instruction est la fin de l’instruction, c’est-à-dire l’invention. L’invention est le seul acte intellectuel vrai, la seule action d’intelligence. Le reste ? Copie, tricherie, reproduction, paresse, convention, bataille, sommeil. Seule éveille la découverte. L’invention seule prouve qu’on pense vraiment la chose qu’on pense, quelle que soit la chose. Je pense donc j’invente, j’invente donc je pense : seule preuve qu’un savant travaille ou qu’un écrivain écrit. »
La préservation de l’excellence française
Pour avoir conscience des différents enjeux à l’international ; au-delà des contextes d’investissements financiers importants et nécessaires, pour le développement des connaissances scientifiques d’un pays. En considération des continents comme l’Asie et les États-Unis ( au regard du nombre d’ingénieurs formés chaque année, + 60 000 par an en Europe, dont + 30 000 en France et plus de 1,2 million en Chine …) :
La France peut-elle continuer à développer et partager son savoir-faire d’excellence, de réputation mondiale, sur le concert international sans y apporter quelques modifications/considérations ?
Pour répondre brièvement à cette question, on pourrait regarder du côté des lanceurs : SpaceX et Ariane. Avec l’activité récente de ces deux entreprises, Ariane 6 chez ArianeGroup et le starship qui revient sur terre chez SpaceX, on peut voir qu’un écart se creuse de plus en plus entre les américains et européens. La course à l’espace et le monopole de SpaceX n’est plus un problème, c’est une réalité. Que faire face à une telle situation ? Je ne pourrai pas y répondre, le retard est déjà là et les ingénieurs français/européens, bien que très bons et ayant un savoir faire inégalé, ne peuvent pas lutter face au mastodonte SpaceX. Le wagon du lanceur réutilisable a été raté par les européens, il faut s’accrocher au prochain wagon. Mais lequel ?
En misant sur la recherche, le développement de partenariats (comme avec l’industrie privée), ou l’introduction de nouvelles technologies, l’Europe pourrait retrouver sa compétitivité dans le secteur spatial.
Article de :
- Mise en page web et propos recueillis par :Halim BENNADJA, chef de projet à l’Association Odyssée Céleste
- Date de réalisation : 28/10/2024
- Copyright images/textes : association odyssée céleste / NASA / Wikipedia /JPL/Caltech / ESA / CNES / CEA / MBRSC / carte du ciel : SkySafari
A retenir
Charles Millancourt est un Ingénieur aérospatial – Visiting Student Research NASA (JPL) – Étudiant à l’ISAE-Supaero – Deux stages de 6 mois : un au CNES (Centre National d’Études Spatiales) et un à la NASA (JPL).