« Croyez en vos rêves !
Il y a plein d’exemples de réussites dans la société.
Autant chez les hommes que chez les femmes »
« Mon stage, d’une durée de six mois, s’est déroulé au JPL, dans la division planétaire, au sein du laboratoire de physique moléculaire. Le but était de développer un instrument de diffraction par électrons de faible énergie (LEED) permettant d’étudier les glaces dans des conditions extrêmes (température de -267°C et pression de 10⁻⁸ mbar). Cet instrument aide à analyser la structure moléculaire des glaces, essentielle pour comprendre les processus physico-chimiques des objets très froids (comètes, astéroïdes, lunes, …). »
« Le véritable problème en France, c’est de réussir à garder nos talents. Je ne compte plus le nombre d’amis qui ont choisi de partir travailler à l’étranger. Il y a un réel manque de reconnaissance pour les ingénieurs et les scientifiques. Au-delà des salaires, qui sont bien inférieurs à ceux proposés dans d’autres pays, faire un doctorat en mathématiques appliquées, par exemple, vous ouvre souvent les portes de la recherche, mais avec une perception négative des débouchés. »
Parcours
Je suis actuellement en mastère spécialisé en aérospatial à l’ISAE-SUPAERO. Mon parcours a commencé avec un bac S, spécialité Sciences de l’Ingénieur, puis j’ai intégré l’INSA Toulouse, où je me suis spécialisé en génie mécanique et ingénierie des systèmes. En parallèle de ma dernière année d’école d’ingénieurs, j’ai suivi un diplôme universitaire en sciences planétaires à l’Observatoire de Paris. Je suis originaire de la région parisienne, entre Évry et Saint-Maur-des-Fossés.
Présentation de votre école d’ingénieurs
En réalité, j’ai fréquenté deux grandes écoles d’ingénieurs : l’INSA Toulouse, où j’ai obtenu mon diplôme en génie mécanique, et l’ISAE-SUPAERO, où je suis en mastère spécialisé. Ces deux écoles sont situées près de Toulouse, un pôle majeur de l’aérospatial en France. L’INSA Toulouse fait partie d’un réseau d’écoles formant un grand nombre des ingénieurs français (environ 10 %), avec une formation généraliste, bien qu’elle ait un lien particulier avec le secteur aérospatial. Grâce à ses partenariats, j’ai eu l’opportunité d’étudier à l’étranger, notamment à l’école Polytechnique de Milan (POLIMI), un autre centre de référence dans le domaine.
L’ISAE-SUPAERO, quant à elle, forme des ingénieurs spécialisés dans l’aérospatial et offre plusieurs parcours, notamment en ingénierie des systèmes spatiaux. Ce réseau et les associations étudiantes m’ont permis d’évoluer dans un environnement riche en opportunités et projets spatiaux, ce qui est essentiel pour entrer dans ce domaine compétitif.
Stage au Jet Propulsion Laboratory(NASA)
Mon stage, d’une durée de six mois, s’est déroulé au Jet Propulsion Laboratory (JPL), dans la division planétaire, au sein du laboratoire de physique moléculaire. Le but était de développer un instrument de diffraction par électrons de faible énergie (LEED) permettant d’étudier les glaces dans des conditions extrêmes (température de -267°C et pression de 10⁻⁸ mbar). Cet instrument aide à analyser la structure moléculaire des glaces, essentielle pour comprendre les processus physico-chimiques des objets très froids (comètes, astéroïdes, lunes, …).
En parallèle, j’ai également étudié la sublimation du monoxyde de carbone piégé dans des glaces de dioxyde de carbone, un sujet inspiré par les découvertes de la mission Rosetta-Philae de l’ESA, qui a détecté ce type de glace sur une comète. L’objectif était d’approfondir notre compréhension de la formation des comètes et de simuler leurs évolutions.
Bien que je n’aie pas été directement intégré à une mission spécifique, le travail sur l’instrument LEED est susceptible d’avoir des applications dans des missions futures, comme Europa Clipper. En revanche, mon travail expérimental sur la sublimation des glaces pourrait aider à valider les découvertes de la mission Rosetta-Philae.
Mon tuteur en France était Lucien Baldas, de l’INSA, et mes mentors au JPL étaient Ellen Czaplinsky et Robert Hodyss, 2 chercheurs en planétologie.
Vos ressentis concernant le haut niveau scientifique au sein du JPL
et vos relations auprès d’élites de renommées internationale
Il est clair pour moi que les avancées dans le domaine spatiales sont en grande partie faites là-bas. En effet, les missions développées sont ambitieuse avec un budget énorme comparé à celles européennes. J’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes passionnantes et la renommée de la NASA n’est clairement pas volée. Cependant, je remarque également que nos formations européenne n’ont rien à envier aux formations américaines. Nos cycles plus généralistes sont une vrai force, je suis arrivé sans connaître quoi que ce soit à la physique moléculaire (à l’exception de quelque cours INSA) et je ressors avec un réel niveau expérimental. Notre force est notre capacité à nous adapter.
Quelques scientifiques permanents hors pair du Jet Propulsion Laboratory (JPL) et du Goddard Space Flight Center, cinq français dont trois ont travaillé sur le rover Perseverance et ingenuity : Nacer Chahat, Jeff Delaune et Gregory Dubos:
Hommes scientifiques leaders et inspirants
Pour moi Sylvestre Maurice (astrophysicien et chercheur sur SuperCam), Robert Goddard (pionnier en propulsion spatiale), et Thomas Pesquet sont des sources d’inspiration.
Nous vous recommandons les deux interviews exceptionnelles: Sylvain Lodiot, responsable de la Mission Rosetta de l’Agence Spatiale Européenne(ESA), du Docteur en astrophysique Sylvestre Maurice dans lequel il nous présente l’instrument Chemcam du rover Curiosity et Supercam du rover Perseverance. Ainsi que l’une des retombées impressionnante du laser Chemcam sur la recherche médicale; la détection de cancers, sous la direction du Dr Noureddine Melikechi :
Carrière envisagée
Mon expérience au JPL m’a permis de découvrir l’univers de la recherche, et bien que cela ait été passionnant, je pense que je m’épanouirai davantage dans l’ingénierie spatiale. C’est la raison pour laquelle je me suis orienté vers l’ingénierie des systèmes spatiaux.
Une rencontre
Je dois beaucoup à l’influence de mon père, passionné d’automobile, qui m’a transmis la passion de la technique. Un autre mentor est le cousin de mon père, Sylvestre Maurice, astrophysicien et chercheur de renom. Il m’a inspiré et montré que le monde spatial pouvait être une possibilité réelle pour moi.
Une culture professionnelle différente
La culture professionnelle aux États-Unis, est-elle différente de celle de l’Europe et de la France en particulier ?
À la NASA, j’étais un peu l’« anomalie française ». Je ne viens pas d’une des très grandes écoles habituelles comme SUPAERO, Polytechnique ou l’EPFL, et mon stage n’était même pas dans mon domaine principal d’études, puisqu’il portait sur la physique moléculaire. Pourtant, mes mentors américains m’ont donné ma chance. C’est quelque chose que j’admire chez eux : ils te jugent sur ta capacité et ta motivation, pas uniquement sur ton parcours académique. En France, cela manque cruellement. J’ai été refusé par plusieurs entreprises françaises simplement parce que je n’avais pas la « bonne » ligne sur mon CV, alors qu’aujourd’hui je reviens d’un stage à la NASA.
[ La Petite Info ]
Le saviez-vous ?
Les talents français sont des joyaux à l’international !
Allan Petre a eu la chance de faire un stage de 6 mois au sein du JPL, l’un des grands centres de la NASA, du mois de janvier-juillet 2024! En effet, beaucoup d’ingénieurs français sont accueillis chaque année, au sein des différents centres de la Nasa, dans le cadre de réalisations de stages au cœur des plus grands projets aérospatiaux. À la suite de son premier stage, Allan a enchaîné un second stage de 12 mois, non rémunéré, à partir des vacances d’été 2024. Son objectif, acquérir le plus d’expérience possible et bénéficier d’un lieu unique au monde : le JPL . Il est jeune et très ambitieux, nous sommes persuadés que sa persévérance lui permettra d’obtenir un travail qui lui correspond.
Charles Millancourt – Ingénieur aérospatial – Visiting Student Research NASA (JPL): « L’équipe dans laquelle j’étais était l’Aerial Mobility Group de la NASA, qui a travaillé au préalable sur la mission de démonstration Ingenuity sur Mars : un hélicoptère emmené sur Mars par le rover Perseverance et qui a fait 72 vols. C’était impressionnant de se retrouver avec ces personnes et travailler avec eux. Cette expérience dans un contexte aussi technique et exigeant m’a donné l’opportunité de mettre en pratique les compétences que j’ai acquises à l‘ISAE-Supaero et lors de mes projets personnels pour approfondir ma connaissance des technologies de pointe que j’étudie. »
La démarche scientifique
Dans le cadre de la résolution de problèmes scientifiques 👨🔬, la démarche expérimentale utilisée aux États-Unis est-elle différente de celle développée/utilisée en France ? Car ici, on a tendance à concevoir l’esprit de la démarche scientifique dans la dynamique de Gaston Bachelard* – Philosophe des sciences français (1884-1962) – théoricien de la connaissance scientifique.
Nota bene : « La démarche scientifique est la méthode utilisée par les scientifiques pour parvenir à comprendre et à expliquer le monde qui nous entoure. De façon simplificatrice, elle se déroule en plusieurs étapes : à partir de l’observation d’un phénomène et de la formulation d’une problématique, différentes hypothèses vont être émises, testées puis infirmées ou confirmées ; à partir de cette confirmation se construit un modèle ou théorie. L’observation et l’expérimentation sont des moyens pour tester les différentes hypothèses émises. » Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
La démarche expérimentale aux États-Unis laisse plus de place aux tests et aux erreurs, permettant aux chercheurs de prendre davantage de risques. En France, la démarche est souvent plus exigeante, mais cela rend les chercheurs européens très compétents.
* Maître véritable, dans le sens de lien direct, du philosophe et historien des sciences Michel Serres (1930-2019), issue de la vraie tradition philosophique et scientifique française. – Le Tiers-instruit – Michel SERRES : « Le but de l’instruction est la fin de l’instruction, c’est-à-dire l’invention. L’invention est le seul acte intellectuel vrai, la seule action d’intelligence. Le reste ? Copie, tricherie, reproduction, paresse, convention, bataille, sommeil. Seule éveille la découverte. L’invention seule prouve qu’on pense vraiment la chose qu’on pense, quelle que soit la chose. Je pense donc j’invente, j’invente donc je pense : seule preuve qu’un savant travaille ou qu’un écrivain écrit. »
Les élites scientifiques et les classes populaires
Quels regards portez-vous sur les dynamiques sociales et humaines californiennes, entre les belles réussites scientifiques, les élites de grandes renommées et les classes sociales populaires ? Les liens , la solidarité , les aides concrètes ..? En comparaison avec la situation française où la culture scientifique n’est pas aussi populaire qu’au États-Unis, malgré la qualité, et de ce fait beaucoup moins accessible aux classes sociales populaires.
La Californie est une terre d’opportunités, mais aussi de profondes disparités sociales. Les réussites scientifiques et technologiques sont impressionnantes, mais les inégalités sont bien visibles, avec une pauvreté dans les rues bien plus marquée qu’en France. En comparaison, la culture scientifique en France est moins populaire et accessible, même si la qualité de la recherche y est reconnue.
La préservation de l’excellence française
Pour avoir conscience des différents enjeux à l’international ; au-delà des contextes d’investissements financiers importants et nécessaires, pour le développement des connaissances scientifiques d’un pays. En considération des continents comme l’Asie et les États-Unis (au regard du nombre d’ingénieurs formés chaque année, + 60 000 par an en Europe, dont + 30 000 en France et plus de 1,2 million en Chine…) :
La France peut-elle continuer à développer et partager son savoir-faire d’excellence, de réputation mondiale, sur le concert international sans y apporter quelques modifications/considérations ?
Le véritable problème en France, c’est de réussir à garder nos talents. Je ne compte plus le nombre d’amis qui ont choisi de partir travailler à l’étranger. Il y a un réel manque de reconnaissance pour les ingénieurs et les scientifiques. Au-delà des salaires, qui sont bien inférieurs à ceux proposés dans d’autres pays, faire un doctorat en mathématiques appliquées, par exemple, vous ouvre souvent les portes de la recherche, mais avec une perception négative des débouchés. Quand je parle de vouloir peut-être faire une thèse, on me répond souvent qu’il vaudrait mieux « se mettre au boulot ». C’est là le vrai problème : il est essentiel de revaloriser ces filières d’excellence qui n’ont rien à envier aux formations américaines.
En dehors des écoles d’ingénieurs et des universités,
les associations scientifiques et techniques
vous semblent-elles être une nécessité au sein de notre société ?
Oui, clairement, les associations jouent un rôle crucial, car elles permettent de développer et de présenter des projets concrets, en complément de la formation académique. Les associations dans lesquelles j’ai pu m’investir (tim ups insa, élus étudiants, MASE, …) m’ont permis d’explorer des aspects pratiques et de gagner en expérience, en plus de renforcer des compétences transversales essentielles. Aux États-Unis, par exemple, ne pas avoir d’engagement associatif ou de compétences annexes est souvent mal vu. L’implication dans des activités extra-scolaires est considérée comme une preuve de motivation et d’initiative ce qui est très apprécié sur le marché du travail.
Article de :
- Mise en page web et propos recueillis par : Halim BENNADJA, chef de projet à l’Association Odyssée Céleste
- Réponses de Rémi Caresche, ingénieur aérospatiale.
- Date de réalisation : 16/11/2024
- Copyright images/textes : association odyssée céleste / NASA /JPL/Caltech / ESA / Wikipedia
Rémi Caresche
Ingénieur aérospatial – Visiting Student Research NASA (JPL) – Les français ont des talents inestimables ✨