« Croyez en vos rêves ! Il y a plein d’exemples de réussites dans la société»
« J’ai effectué un stage de 4 mois à l’European Astronaut Center (EAC) de l’ESA sur le site de Cologne, en Allemagne. Ensuite, j’ai travaillé sur l’EFB qu’ont utilisé Kate Rubins, astronaute américaine, en 2022 et Thomas Pesquet dans sa session d’entraînement en 2023. Puis, mon stage de fin d’études au laboratoire international CNRS-Georgia Tech où j’ai développé une politique d’apprentissage par renforcement pour le suivi de trajectoire et l’évitement d’obstacles pour plusieurs plateformes robotiques : de terrain (rover), nautique (robot-bateau) et spatiale (plate-forme volante). »
Parcours
Je m’appelle Axel Coulon, j’ai 24 ans, Lorrain de naissance, une région qui ne me destinait pas à une carrière dans le spatial. Le choix de la robotique spatiale est pour moi, à l’heure actuelle, le moyen le plus efficace pour répondre à des questions existentielles telles que savoir comment la vie est apparue sur terre ? Est-elle apparue autre part ? Si oui, comment a-t-elle disparu ? Quelles sont alors les conditions essentielles à son apparition ? Et à sa disparition ? La robotique spatiale joue un rôle majeur pour répondre à ces questions qui m’ont toujours intriguées et qui étaient « omniprésentes » durant toute mon adolescence. Cette quête de sens, pour moi, est au centre de ma vie. J’ai d’abord pensé à devenir chercheur en biologie, ensuite chercheur en astronomie. Puis, vu que je me sentais à l’aise dans les sciences, qu’elles m’apportaient le plus de réponses pertinentes à ces questions existentielles, j’ai décidé de poursuivre une formation d’ingénieur, en quête de réponses. A la suite d’un bac scientifique, en 2018, je découvre la mission Perseverance et je suis son avancée avant son lancement, le 30 juillet 2020. Je me rappelle regarder une chaîne TV, d’information française, valorisant cet exploit technologique. On y parle du but de la mission Perseverance, de la collaboration internationale nécessaire pour un tel projet, de la difficulté d’envoyer un engin à 2,4 milliards de dollars aussi loin, et surtout de la technologie à son bord. Je tombe amoureux. Voilà le moyen le plus avancé pour répondre à mes questions, ce à quoi je voulais participer. Je rentre en école d’ingénieur, à Polytech Nancy, où je découvre l’informatique et l’automatique, ce qui confirme mon souhait de poursuivre en profondeur dans ces disciplines. J’intègre alors la filière IA2R pour Informatique, Automatique, Robotique et Réseaux, puis la spécialité Systèmes Intelligents et Autonomes. En 2020, j’assiste à l’atterrissage du robot et, je m’intéresse beaucoup à l’hélicoptère qui l’embarque : Ingenuity. J’y vois alors un moyen d’explorer plus vite, moins cher et moins risqué : le futur de l’exploration spatiale. Par la suite, je creuse un peu plus dans un domaine de la robotique qui m’intéresse fortement : la vision par ordinateur. Je rentre dans un double diplôme à la FST de Nancy en apprentissage et vision en robotique qui s’est avéré très utile pour la suite. Me voilà donc diplômé de 2 certificats me permettant de travailler dans le domaine qui a le plus de sens pour moi : la robotique spatiale. Son but n’est pas le profit, mais l’avancement de la science et de la connaissance scientifique. Voilà pour moi toutes mes motivations à travailler dans ce domaine : le progrès de la science et l’exploration continuelle de l’espèce humaine, qui fait partie de nos plus profondes caractéristiques.
Rappelons, pour nous situer raisonnablement, que toutes les grandes civilisations, toutes les élites de l’humanité (philosophes, scientifiques, théologiens…) ont essayé d’apporter des éléments de réponses aux grandes questions :
D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ?
Aujourd’hui, les véritables élites du monde scientifique, et du spatial en particulier, essayent à leur tour d’apporter des éléments de réponses intéressantes.
Après mon cursus, je décide de continuer à l’ISAE-SUPAERO dans le mastère spécialisé TAS Astro (Ingénierie des systèmes spatiaux) : mon but est alors d’étendre mes connaissances à l’ensemble des systèmes spatiaux, pas seulement la robotique. La formation d’excellence dans ce domaine de l’institut me permettait aussi d’avoir plus de chances d’intégrer des agences spatiales comme l’ESA, le CNES, la NASA, les principales actrices des missions qui ont marqué l’histoire de la robotique spatiale. Ainsi, je pouvais réaliser mon rêve : porter un projet d’exploration spatiale 100 % européen autour de la robotique spatiale. Lors de mon parcours, j’ai réalisé toutes mes expériences professionnelles autour de ce domaine.
Quelques scientifiques permanents hors pair du Jet Propulsion Laboratory (JPL) et du Goddard Space Flight Center, quatre français dont deux ont travaillé sur le rover Perseverance : Nacer Chahat et Gregory Dubos:
Un lieu unique en Europe: l’EAC
J’ai effectué un stage de 4 mois à l’European Astronaut Center (EAC) de l’ESA sur le site de Cologne, en Allemagne. Ensuite, j’ai travaillé sur l’EFB qu’ont utilisé Kate Rubins, astronaute américaine, en 2022 et Thomas Pesquet dans sa session d’entraînement en 2023. Puis, mon stage de fin d’études au laboratoire international CNRS-Georgia Tech où j’ai développé une politique d’apprentissage par renforcement pour le suivi de trajectoire et l’évitement d’obstacles pour plusieurs plateformes robotiques : de terrain (rover), nautique (robot-bateau) et spatiale (plate-forme volante). Ces deux stages ont servi à compléter mon cursus en Lorraine.
Dr. Kate Rubins, Docteure en biochimie de l’université de Stanford, a réalisé le premier séquençage de l’ADN dans la Station Spatiale Internationale (ISS). Ses recherches portent sur la microbiologie et l’étude des tissus cardiovasculaires en micropesanteur.
Le développement scientifique de très haut niveau favorise la rencontre d’autres domaines scientifiques qui permettent souvent de faire des bonds de géants dans les connaissances.
- L’exemple par excellence de l’aéronautique et l’astronomie française : avec le pilote d’essai André Turcat (1921-2016), pilote du concorde 001, et le vol du suivi de plus de 73 minutes de l’éclipse solaire au-dessus du Sahara, le 30 juin 1973. Un suivi de la vitesse de l’ombre de l’éclipse à une vitesse de deux fois la vitesse du son( Mach 2, soit + de 2460 km/h) ! Différentes expériences y ont été menées sur la couronne solaire qui a réuni des scientifiques, dont 8 astrophysiciens, quelques-uns de l’observatoire de Paris, avec notamment Pierre Léna et Serge Koutchmy .
Stage au Jet Propulsion Laboratory (NASA)
Je suis actuellement à la NASA, plus spécifiquement au Jet Propulsion Laboratory, pour un stage de 6 mois dans la section 347 T « mobilité aérienne » qui me servira à valider mon master TAS Astro à l’institut. Mon travail consiste à développer des algorithmes de navigation avancés permettant d’obtenir une localisation absolue du drone sur de longues distances ainsi qu’un vol 100 % autonome, du décollage à l’atterrissage, impliquant donc une détection de site d’atterrissage. C’était un des principaux problèmes sur Ingenuity : on ne pouvait pas voler sur de très longues distances, sans quoi l’estimateur de position commencerait à sortir de sa trajectoire désirée petit à petit. Mes travaux prennent part au concept Mars Science Helicopter (potentiellement une future mission d’exploration de Mars dans les années à venir). Le but est de faire une nouvelle génération de Mars Helicopter pour aller plus haut, plus loin et amener des instruments scientifiques au plus proche de la surface de Mars. Après ce stage, j’aimerais continuer en robotique spatiale et préparer les prochains robots ou plus généralement les systèmes robotiques pour les missions lunaires et martiennes. La nouvelle facilité lunaire de l’EAC m’attire beaucoup.
Une culture professionnelle différente
La culture professionnelle aux États-Unis, de la NASA en particulier, est-elle différente de celle de l’Europe (ESA) et de la France (CNES) en particulier ?
« Nous avons un écosystème unique, il est important de rappeler que l’Agence Spatiale Européenne (ESA) est présente dans tous les domaines scientifiques. »
Propos énoncés lors de l’interview de Géraldine Naja (Directrice de la commercialisation, de l’industrialisation et de l’approvisionnement au sein de l’Agence spatiale européenne) avec l’association odyssée céleste.
Pour répondre à la première question, je dirai ici que le travail a une place centrale au centre de la vie des Américains. C’est l’héritage du rêve américain et la conséquence d’un mode de vie basé sur le service. Les Américains trouvent leur place et leur raison de vivre à travers le service qu’ils peuvent rendre, et donc leur travail. Là où peut être nous en France, le travail n’a
pas une si grande place dans nos vies, mais plutôt quelque chose qu’on doit faire. Je dirai aussi que les Américains donnent plus envie de travailler. C’est-à-dire qu’ils vont multiplier la communication, le marketing et les objectifs pour donner envie aux salariés et au client d’appartenir à leur groupe. Si on prend l’exemple de la NASA, il y a une boutique remplie de goodies, des visites publiques tous les jours, des événements chaque semaine autour du spatial, ce qui motive vraiment à travailler pour ce groupe. “Having fun while working” est une phrase qui résume bien la relation des Américains au travail.
La démarche scientifique
Dans le cadre de la résolution de problèmes scientifiques 👨🔬, la démarche expérimentale utilisée aux États-Unis est-elle différente de celle développée/utilisée en France ? Car ici, on a tendance à concevoir l’esprit de la démarche scientifique dans la dynamique de Gaston Bachelard* – Philosophe des sciences français (1884-1962) – théoricien de la connaissance scientifique.
Nota bene : « La démarche scientifique est la méthode utilisée par les scientifiques pour parvenir à comprendre et à expliquer le monde qui nous entoure. De façon simplificatrice, elle se déroule en plusieurs étapes : à partir de l’observation d’un phénomène et de la formulation d’une problématique, différentes hypothèses vont être émises, testées puis infirmées ou confirmées ; à partir de cette confirmation se construit un modèle ou théorie. L’observation et l’expérimentation sont des moyens pour tester les différentes hypothèses émises. » Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Pour la résolution d’un problème scientifique, il existe en effet des différences entre les Américains et nous, les Français ou les Européens de manière générale.
Les Américains fonctionnent à la manière d’un audit : ils font l’état de l’art du système et de ses problèmes et proposent des solutions et des actions pour les résoudre. Ils font également énormément confiance à l’individu et on ne ressent pas vraiment la hiérarchie, même si elle y est extrêmement présente. En France, on nous donne des règles logiques à suivre et libre à quiconque de les appliquer à sa manière. Je dirai que la réflexion face à un
problème est plus libre en France qu’elle ne l’est aux États-Unis, où ce système d’audit surgit souvent.
* Maître véritable, dans le sens de lien direct, du philosophe et historien des sciences Michel Serres (1930-2019), issue de la vraie tradition philosophique et scientifique française. – Le Tiers-instruit – Michel SERRES : « Le but de l’instruction est la fin de l’instruction, c’est-à-dire l’invention. L’invention est le seul acte intellectuel vrai, la seule action d’intelligence. Le reste ? Copie, tricherie, reproduction, paresse, convention, bataille, sommeil. Seule éveille la découverte. L’invention seule prouve qu’on pense vraiment la chose qu’on pense, quelle que soit la chose. Je pense donc j’invente, j’invente donc je pense : seule preuve qu’un savant travaille ou qu’un écrivain écrit. »
La préservation de l’excellence française
Pour avoir conscience des différents enjeux à l’international ; au-delà des contextes d’investissements financiers importants et nécessaires, pour le développement des connaissances scientifiques d’un pays. En considération des continents comme l’Asie et les États-Unis (au regard du nombre d’ingénieurs formés chaque année, + 60 000 par an en Europe, dont + 30 000 en France et plus de 1,2 million en Chine…) :
La France peut-elle continuer à développer et partager son savoir-faire d’excellence, de réputation mondiale, sur le concert international sans y apporter quelques modifications/considérations ?
Travailler à la NASA m’a fait comprendre une chose : nous n’avons pas un problème de ressources humaines ou de talents en Europe. Dans mon équipe, il y a actuellement 6 Européens pour 1 Américain. Les talents, nous les avons. Pourquoi ces talents partent à l’étranger ? L’objectif est plus cool, ça fait plus rêver et il y a plus de moyens financiers. Donc ces plus de 30 000 ingénieurs français, chaque année, sont excellemment formés et ont les compétences pour réussir concrètement à l’international. Ils font sans doute partie des meilleurs du monde. Donc, à mon humble avis, la France peut continuer à développer et à partager son savoir-faire d’excellence, de réputation très respectable, à quelques conditions : nous devons donner envie aux scientifiques de rester dans notre pays. Cela passe par plus communiquer sur nos réussites, augmenter ce sentiment d’appartenance à quelque chose d’important, de beau. Plus de communication, plus de marketing, plus d’enthousiasme dans son travail, ce sont les modifications que nous devons apporter. Le CNES et ArianeGroup ont récemment beaucoup publié sur les réseaux sociaux et nous avons bien vu les conséquences : une communication excellente sur le lancement d’Ariane 6 qui a suscité l’intérêt de beaucoup de Français et donc peut-être de nouvelles vocations pour le spatial chez nos plus jeunes.
[ La Petite Info ]
Le saviez-vous ?
Les talents français sont des joyaux à l’international !
Allan Petre a eu la chance de faire un stage de 6 mois au sein du JPL, l’un des grands centres de la NASA, du mois de janvier-juillet 2024! En effet, beaucoup d’ingénieurs français sont accueillis chaque année, au sein des différents centres de la Nasa, dans le cadre de réalisations de stages au cœur des plus grands projets aérospatiaux. À la suite de son premier stage, Allan a enchaîné un second stage de 12 mois, non rémunéré, à partir des vacances d’été 2024. Son objectif, acquérir le plus d’expérience possible et bénéficier d’un lieu unique au monde : le JPL . Il est jeune et très ambitieux, nous sommes persuadés que sa persévérance lui permettra d’obtenir un travail qui lui correspond.
Charles Millancourt – Ingénieur aérospatial – Visiting Student Research NASA (JPL): « L’équipe dans laquelle j’étais était l’Aerial Mobility Group de la NASA, qui a travaillé au préalable sur la mission de démonstration Ingenuity sur Mars : un hélicoptère emmené sur Mars par le rover Perseverance et qui a fait 72 vols. C’était impressionnant de se retrouver avec ces personnes et travailler avec eux. Cette expérience dans un contexte aussi technique et exigeant m’a donné l’opportunité de mettre en pratique les compétences que j’ai acquises à l‘ISAE-Supaero et lors de mes projets personnels pour approfondir ma connaissance des technologies de pointe que j’étudie. »
et d’autres …
Article de :
- Mise en page web et propos recueillis par : Halim BENNADJA, chef de projet à l’Association Odyssée Céleste
- Date de réalisation : 01/10/2024
- Copyright images/textes : association odyssée céleste / NASA /JPL/Caltech / ESA /