« Croyez en vos rêves !
Il y a plein d’exemples de réussites dans la société.
Autant chez les hommes que chez les femmes »
« J’ai travaillé sur le projet MAHD (Mid Air Helicopter Deployment), qui vise à faciliter et réduire le coût des futurs déploiements d’hélicoptères sur Mars. Ingenuity, l’hélicoptère envoyé sur Mars entre 2021 et 2024, a été une avancée énorme pour l’exploration martienne, car il a permis de parcourir de grandes distances rapidement et d’accéder à des terrains dangereux pour les rovers traditionnels. Au lieu d’utiliser un atterrisseur pour se poser sur Mars, le projet MAHD utilise un jetpack attaché à l’hélicoptère pour ralentir sa descente après la séparation de l’aéroshell. Ça permet à l’hélicoptère de décoller en plein vol sans avoir besoin d’un système d’atterrissage compliqué »
L’interview de Gloria Mellinand – Ingénieure aérospatial – Visiting Student Research NASA (JPL) :
Petit écho de son stage en vidéo sur Youtube:
Petit écho de son stage en podcast :
Parcours
Je viens de la région Rhône-Alpes, plus précisément de la Drôme, près de Valence. Ma mère est originaire de Shanghai, en Chine, ce qui m’a donné une double culture franco-chinoise et une grande envie d’expérimenter la vie au sein de différents pays. J’ai fait mes études universitaires en Suisse, a l’EPFL, en commençant par un Bachelor en microtechnique, puis un Master en robotique spatiale. J’ai choisi ces parcours car je suis intéressée par une multitude d’aspects en ingénierie, et j’ai pu élargir mon champ de vision grâce a ce choix, tout en gardant mon premier objectif en vue, le spatial.
EPFL – École Polytechnique Fédérale de Lausanne
J’ai étudié à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse. C’est une belle université spécialisée en ingénierie et en sciences. Il y a environ 11 500 étudiants, et le campus est immense, situé au bord du lac Léman face aux Alpes. Il y a a l’EPFL un large panel de spécialisations et de cours, et aussi une présence importante de projets étudiants pratiques, qu’ils appellent « MAKE ». Les étudiants de tout niveau peuvent se regrouper sur des projets pluridisciplinaires comme la construction de rovers martiens, des fusées ou des voitures de course.
Stage au Jet Propulsion Laboratory (NASA)
J’ai eu la chance de faire un stage de six mois à la NASA, au Jet Propulsion Laboratory (JPL). J’ai travaillé sur le projet MAHD (Mid Air Helicopter Deployment), qui vise à faciliter et réduire le coût des futurs déploiements d’hélicoptères sur Mars. Ingenuity, l’hélicoptère envoyé sur Mars entre 2021 et 2024, a été une avancée énorme pour l’exploration martienne, car il a permis de parcourir de grandes distances rapidement et d’accéder à des terrains dangereux pour les rovers traditionnels. Au lieu d’utiliser un atterrisseur pour se poser sur Mars, le projet MAHD utilise un jetpack attaché à l’hélicoptère pour ralentir sa descente après la séparation de l’aéroshell. Ça permet à l’hélicoptère de décoller en plein vol sans avoir besoin d’un système d’atterrissage compliqué. Mon équipe étudiait comment l’hélicoptère et le jetpack interagissent au niveau aérodynamique pour s’assurer que tout se passe bien lors du décollage. Mon rôle était de développer une structure de tests pour mesurer la vitesse de l’air à différents endroits du système et de valider nos simulations en mécanique des fluides. On faisait tous les tests à la pression martienne dans une chambre à vide, et j’aidais aussi l’équipe à préparer et réaliser ces tests.
J’ai travaillé sur le projet MSH (Mars Science Helicopter), qui est la prochaine génération d’hélicoptères martiens après Ingenuity. Cet hélicoptère est beaucoup plus grand (environ 3m d’envergure), ce qui lui permettrait de transporter plus d’équipements scientifiques vers des zones difficiles d’accès et très intéressantes d’un point de vue géologique.
Vos ressentis
Travailler au JPL a été une opportunité incroyable. J’ai pu rencontrer et collaborer avec des ingénieurs très talentueux dont le travail est reconnu mondialement. Ils sont à la fois extrêmement compétents et très humbles. C’était vraiment gratifiant d’apprendre directement de leur expérience et de participer à une vraie mission spatiale alors que je n’avais même pas encore fini mes études de Master. C’est une expérience unique dont je me souviendrai toujours.
Mes tuteurs étaient Marcel Veismann, qui est spécialisé dans les campagnes de tests et qui a travaillé sur EELS(Exobiology Extant Life Surveyor), et Jeff Delaune, qui supervise le développement de MAHD et MSH et qui a joué un rôle clé dans la navigation d’Ingenuity. À l’EPFL, je n’avais pas de tuteur spécifique parce que c’était un stage en entreprise qui n’était pas directement supervisé par l’université.
Une rencontre
J’ai toujours été attirée par les grands mystères qui nous entourent. Au début, c’était les fonds marins, puis plus j’en ai appris sur l’espace et les exoplanètes, plus j’ai été fascinée. Il y a tellement de questions et si peu de réponses ! Et bien sûr, la beauté de l’espace, imaginer la formation des nébuleuses ou l’explosion des supernovas, c’est presque poétique.
Femmes scientifiques, leaders et inspirantes
Katherine Johnson, la mathématicienne qui a inspiré le film « Les Figures de l’ombre », a joué un rôle crucial dans l’atterrissage d’Apollo 11 sur la Lune dans les années 60. Elle a été une source d’inspiration pour des générations de femmes, surtout par sa lutte contre la ségrégation raciale. Marie Curie aussi est une figure emblématique : première femme à recevoir le prix Nobel, et la première personne à l’avoir reçu dans deux domaines différents. Elle a dû faire face au sexisme dans un milieu dominé par les hommes. Et puis, ce sont aussi mes amies et les femmes avec qui je travaille qui m’inspirent au quotidien, et qui m’inspirent a me surpasser.
Il est essentiel d’avoir conscience des récits historiques et des personnalités d’exceptions qui ont participé aux découvertes scientifiques pour le bien de l’humanité!
Mais il est tout aussi important d’avoir conscience de celles qui ont pris le relais aujourd’hui 😉 !
Quels conseils pourriez-vous donner aux étudiantes qui souhaitent s’engager
dans les domaines scientifiques dans une dynamique de réussite collective ?
En effet, aujourd’hui on a tendance à nous intéresser aux femmes qu’individuellement, alors qu’on oublie souvent qu’elles jouent des rôles essentiels dans le collectif malgré la présence de plafonds de verre. Mais on a aussi tendance à oublier les réalités sociale ( crises, individualisme, discrimination, racismes…) qui augmente les difficultés d’épanouissement et de réussite individuelle et collective. Il faut tenir compte des deux :).
Je leur dirais de suivre leurs passions et de se soutenir mutuellement. Le monde de la recherche scientifique et de l’entreprise est en train de changer, lentement mais sûrement, vers plus d’égalité. Il est important de mettre en avant les femmes pour aider au changement. Dans un monde idéal, les ingénieurs seraient jugés sur leur travail et pas sur leur genre. Mais pour que l’opinion publique évolue et que les portes s’ouvrent pour tout le monde, il faut mettre l’accent sur les inégalités. C’est important aussi d’éduquer les enfants, de leur montrer que les filles peuvent tout faire, qu’elles ne sont pas plus faites pour un métier qu’un autre. Les entreprises ont aussi beaucoup de progrès à faire. Et puis, on n’arrive à rien tout seul. Le travail en équipe nous permet d’apprendre, de grandir, de nous motiver et de nous dépasser sans avoir besoin de rabaisser les autres. La compétition toxique va à l’encontre de l’esprit scientifique. Nous sommes là pour pousser au progrès dans le domaine du spatial, et pour notre passion envers notre domaine. À mon avis, c’est une force qui nous unit et qui ne devrait pas être source de divisions. J’ai eu la chance de ne pas connaître ces problèmes à l’EPFL ni pendant mon stage à la NASA. À l’université, les professeurs nous poussaient à nous améliorer sans nous comparer les uns aux autres. Dans les associations où j’ai été, l’esprit d’équipe était toujours très important pour réussir. À la NASA, tout le monde était prêt à partager son expérience et à s’entraider. Ce sont des valeurs que je veux garder tout au long de ma carrière.
Les élites scientifiques et les classes populaires
Quels regards portez-vous sur les dynamiques sociales et humaines californiennes, entre les belles réussites scientifiques, les élites de grandes renommées et les classes sociales populaires ? Les liens , la solidarité , les aides concrètes ..? En comparaison avec la situation française où la culture scientifique n’est pas aussi populaire qu’au États-Unis, malgré la qualité, et de ce fait beaucoup moins accessible aux classes sociales populaires.
La Californie est un État qui concentre beaucoup de talents et d’entreprises technologiques. Que ce soit près de Los Angeles avec Caltech et le JPL(NASA), ou vers San Francisco avec Stanford, la Silicon Valley et le NASA Ames, il y a plein de start-ups et d’opportunités. Ça attire des talents du monde entier.
Mais en même temps, il y a de grandes inégalités sociales, des problèmes de drogues, une concentration de richesse alors qu’une partie importante de la population vit dans la précarité. Un avantage du système éducatif français par rapport au système américain, c’est qu’il est plus accessible financièrement. Les frais universitaires aux États-Unis sont très élevés, ce qui endette beaucoup de familles, sauf si les étudiants obtiennent des bourses. Et puis, il y a aussi le problème de l’accès aux soins médicaux.
« Tout citoyen français à pleinement conscience que la langue française est l’écho
de réussites concrètes, d’excellence dans le concert international . »
Belgacem Haba, d’origine Algérienne, professeur et scientifique de renom, considéré comme l’homme le plus inventif (plus de 1500 brevets), acteur majeur de la Silicon Valley, classé parmi les 100 inventeurs les plus productifs des États-Unis.
Dr Charles Elachi, d’origine libanaise, est professeur au California Institute of Technology (Caltech), et a été directeur du Jet Propulsion Laboratory de 2001 à 2016. Il a permis entre autre, après de nombreuses négociations politiques et industrielles, le développement et le vol du premier Hélicoptère sur la planète mars : Ingenuity .
En dehors des écoles d’ingénieurs et des universités,
les associations scientifiques et techniques
vous semblent-elles être une nécessité au sein de notre société ?
Oui, complètement. Les associations sont un excellent complément à l’éducation universitaire. En Europe, certaines universités se concentrent beaucoup sur la théorie et moins sur la pratique. Mais une grande partie du travail d’ingénieur, c’est de faire face à des problèmes concrets et de les résoudre de manière inventive. Les associations permettent aux étudiants d’acquérir de l’expérience en travail d’équipe, en gestion de projet, et de mener des projets techniques complexes sur le long terme, ce qu’on apprend généralement en entreprise. Par exemple, dans l’association Xplore, où j’ai été pendant trois ans à différents postes, j’ai pu cibler ce qui m’intéressait le plus en travaillant sur des projets pratiques en plus de mes cours, entourée d’étudiants passionnés.
Article de :
- Mise en page web et propos recueillis par : Halim BENNADJA, chef de projet à l’Association Odyssée Céleste
- Réponses de Gloria Mellinand, ingénieure aérospatiale.
- Date de réalisation : 02/12/2024
- Copyright images/textes : association odyssée céleste / NASA/JPL-CALTECH
Gloria Mellinand
Ingénieure aérospatial – Visiting Student Research NASA (JPL) – Les femmes ont des talents inestimables ✨