Les origines des noms des constellations et des étoiles

 

En cette période estivale, durant laquelle nous profitons du ciel étoilé et des Perséides, il est utile de rappeler quelques notions de bases, et notamment celles liées à l’origine des noms des étoiles et des constellations que nous utilisons en Europe.

En effet, cette simple carte du ciel, que nous avons l’habitude d’utiliser en Europe, est un excellent écho de notre héritage astronomique des grandes civilisations du bassin méditerranéen, dont la Grèce, la civilisation romaine et la civilisation arabo-islamique dont la langue scientifique était l’Arabe. Information importante, puisque différentes communautés – principalement issues des 3 monothéismes –  ont participé à l’activité scientifique du monde arabo-islamique, comme la communauté juive et chrétienne, mais aussi chinoise et indienne; la langue arabe étant l’équivalent de la langue anglaise aujourd’hui concernant la recherche scientifique et le développement économique.

Les 2/3 des noms des étoiles sont d’origine arabe. Une majorité des noms des constellations, 48, sont d’origine grecque, tandis que les noms des planètes sont d’origine romaine, sauf la Terre, qui est d’origine grecque : « Gaïa ».

Des exemples

 

        1.noms de quelques étoiles :                                                                                                                                2. noms de quelques constellations :

Achernar ou Akhenar : de l’arabe آخر النهر (ãkher an-nahr) signifiant «fin de la rivière».                                                          Andromède : princesse de la mythologie grecque.
Achird : de l’arabe آخر (âkhir) signifiant «dernier, extrémité».
Acrab : de l’arabe العقرب (al-`aqrab) signifiant «le scorpion» (c’est une étoile de la constellation du Cancer).                          Aquarius : constellation du Verseau.
Acubens : de l’arabe الزبانى (az-zubânà) signifiant «la pince».
Adhafera : de l’arabe الضفيرة (ad-dafyrah) signifiant «la boucle».                                                                                              Câncer : constellation du Cancer.

Bételgeuse : de l’arabe de يد الجوزاء (yad âl-jawzâ’) signifiant «main de al-jawzâ’ (Gémeaux)».                                                Capricornus : constellation du Capricorne.
Baham : de l’arabe سعد البهام (sa`d al-behâm) signifiant [étoile] «chanceuse des bêtes».
Baten Kaitos : de l’arabe بطن قيطوس (batn qaytûs) signifiant «ventre de Cetus».                                                                       Sagittarius : constellation du Sagittaire, l’archer. .
Beid : de l’arabe بيض (bayd) signifiant «oeufs».                                                                                                                        Scorpius : constellation du Scorpion

Centres de dynamiques scientifiques dans le monde arabo-islamique au Moyen Âge

 

 

Livre des étoiles fixes. « Kitâb suwar al-kawâkib al-thâbita ».

Référence durant des siècles dans le monde arabo-islamique

 

Ces photos représentent quelques constellations du traité de l’éminent astronome ‘Abd al-Raḥmân al-Ṣoûfî (903-986) qui nous laissa un catalogue, le fameux Livre des étoiles fixes, s’inspirant du traité d’astronomie l’Almageste, rédigé en grec par le savant Alexandrin Claude Ptolémée (100-168) mais d’une qualité scientifique plus rigoureuse, notamment au niveau des magnitudes des étoiles. Al-Ṣoûfî remarqua aussi l’inclinaison de l’écliptique par rapport à l’équateur céleste, des détails qui participeront à une meilleure compréhension de notre voûte céleste ainsi qu’à l’élaboration de meilleurs modèles théoriques du système solaire, cf Al-Biruni (973-1050) et Ibn Al–Shâtir (1304-1375).

 

Nota bene : l’Almageste constitue la somme des connaissances les plus avancées de l’antiquité en mathématiques et en astronomie. Il contient notamment : un catalogue de 1022 étoiles et 48 constellations, une amélioration du modèle de système solaire d’Hipparque, des tables permettant le calcul de la position du Soleil, de la Lune et des 5 planètes…

Traduction et production de connaissances scientifiques

 

 

L’ouvrage Kitâb suwar al-kawâkib al-thâbita fut une référence dans le monde scientifique arabo-islamique. Il a été traduit en persan par l’astronome, mathématicien et philosophe Naṣīr al-Dīn al-Ṭūṣī (1201-1274), un des fondateurs de la trigonométrie et auteur de tables astronomiques, dans lesquelles il remit en cause un principe essentiel du système de Ptolémée. En effet, les astronomes de l’école de Maragha, dont est issu Al-Tusi, s’inscrivent dans la tradition Ptolémaïque et dépassèrent Ptolémée avec deux principes mathématiques cruciaux : le lemme d’Al-Urdi et le couple d’Al-Tusi. Pour décrire au mieux le mouvement des planètes et de la Lune, Al-Ṭūṣī met en place un modèle, appelé couple d’al-Tusi, utilisant deux cercles, le plus petit roulant à l’intérieur d’un cercle deux fois plus grand. Ce modèle permet d’expliquer une rotation non-uniforme et de remplacer un mouvement d’oscillation rectiligne par la combinaison de deux rotations. Al-Tusi l’utilise dans le modèle de la Lune et des planètes supérieures.

                                                                  

Naṣīr al-Dīn al-Ṭūṣī, Directeur scientifique d’un centre de recherche d’excellence:

l’observatoire de Maragha.

 

C’est dans cet observatoire qu’Al-Tusi et ses collaborateurs ont compilé les Ilkhani Zij (Tables ilkhaniennes), les tables astronomiques les plus importantes.

Son entrée s’ouvre sur un large couloir qui marque la ligne méridienne.

Fondé par Naṣīr al-Dīn al-Ṭūṣī en 1259, au nord-ouest de la Perse, l’actuel Iran, sous les directives du roi mongol Houlagou Khan(1217-1265), quatrième fils de Gengis Khan(1162-1227). L’observatoire de Maragha était considéré comme le plus grand et le plus prestigieux observatoire du monde scientifique avant la découverte, l’utilisation et le développement de la lunette astronomique puis du télescope, à partir du XVIIe siècle. L’observatoire de Maragha ne servait pas uniquement à mesurer les coordonnées célestes des astres (ascension droite, déclinaison), puisqu’il fut aussi un important lieu d’enseignement et d’apprentissage des divers domaines scientifiques.

Pour avoir une idée plus claire, tout en restant conscient des défis de notre temps, la somme du patrimoine scientifique du monde arabo-islamique des siècles passés représente l’équivalent de 6 à 8 millions de textes, traités et livres de différents domaines scientifiques, philosophiques, littéraires qui n’ont pas encore été traduits, du fait de leur complexité, mais aussi de l’absence de spécialistes de ces textes anciens…

De quoi faire disparaître le chômage de toute notre société :)!

A la suite de ces quelques données, on prend rapidement conscience de la très faible quantité de traductions présente en France et tout ce que cela peut engendrer dans le cadre d’une véritable ouverture culturelle, scientifique et humaine dans le concert international.

Lire de bons livres délivre 🙂

 

Pour enrichir vos connaissances, nous vous conseillons la lecture de l’ « Astronomie, théorique et appliquée », sous la direction de Roshdi Rashed( 1936-…), mathématicien, philosophe et historien des sciences. Il s’agit aussi bien des développements mathématiques effectués par les astronomes arabes entre le VIIIe et le XIVe siècle – sans lesquels il est difficile de comprendre vraiment la « révolution astronomique » qui a eu lieu en Europe à partir du XVIe siècle – que des diverses applications de l’astronomie, en particulier pour l’orientation sur terre et sur mer, pour la géographie mathématique, pour la gnomonique et la mesure du temps. Directeur de recherche émérite au CNRS (classe exceptionnelle), Professeur honoraire de l’université de Tokyo et Professeur émérite de l’université de Mansoura. Roshdi Rashed a fondé en 1984 – et dirigé jusqu’en 1993 – l’Équipe de Recherche du CNRS : Recherches en Épistémologie et Histoire des Sciences et des Institutions Scientifiques (REHSEIS). Il est Membre de l’Académie Internationale d’Histoire des Sciences et a obtenu de nombreux prix et distinctions dans le monde et en France : fait chevalier de la Légion d’Honneur par le Président de la République Française en 1989 pour l’ensemble de son œuvre en 1989 ; il a reçu La médaille d’or Avicenne de l’UNESCO en 1999. Son œuvre – de renommée internationale – est en particulier centrée sur les mathématiques, la géométrie, la physique du monde arabe médiéval et les travaux de Descartes et de Fermat. Il est l’un des premiers historiens et philosophes à étudier et à penser, minutieusement, les textes scientifiques de l’Antiquité, du monde arabe médiéval, leurs nouveautés et leurs apports aux sciences occidentales. L’œuvre de Roshdi Rashed est considérée comme un tournant dans l’histoire mondiale des sciences. Il est l’auteur de plus de 150 articles et de plus d’une soixantaine d’ouvrages.

 

KOYRÉ ALEXANDRE (1892-1964), Historien de la pensée philosophique et de la pensée scientifique, Alexandre Koyré a été le fondateur, avec Hélène Metzger, Gaston Bachelard et Georges Canguilhem, de l’histoire philosophique des sciences.

 

 

 

 

Article de :

  • Halim BENNADJA, chef de projet à l’Association Odyssée Céleste
  • Copyright images : Association Odyssée Céleste/ Guillaume Cannat / The Met Cloisters/ Université Paris 8/ Gabriel Martinez-Gros – L’Histoire/ boowiki