Interviews / Podcasts

Philippe BEAUMIER, Directeur Aéronautique Civile de l’ONERA

par | Déc 5, 2022 | Interviews / Podcasts | 0 commentaires

Philippe Beaumier est le Directeur Aéronautique Civile de l’ONERA. Il est entré à l’ONERA en 1990 avec pour ambition : exercer un métier stimulant intellectuellement, mais en même temps, tourné vers des problématiques concrètes. A l’ONERA, pont entre la recherche et l’industrie, il mène des travaux de recherche appliquée. Il « tombe dans la marmite hélicoptères », dont il ne ressortira plus, ayant ainsi l’opportunité de travailler sur un des plus beaux chantiers du domaine, la pale Blue Edge

En vidéo sur Youtube:

En podcast :

Toutes les grandes industries s’engagent dans le développement d’une approche globale pour réduire l’empreinte environnementale. Qu’en est-il de l’ONERA ?

L‘ONERA en tant que centre de recherche et partenaire majeur du secteur aéronautique est pleinement dans cette démarche. La réduction de l’empreinte environnementale est au cœur de nos recherches. Soit dans une approche incrémentale, c’est-à-dire qu’on poursuit ce qu’on a fait depuis des dizaines d’années, pour réduire la consommation des avions, en jouant sur l’avion, en jouant sur les performances des moteurs, sur l’intégration motrices, c’est-à-dire la façon dont le moteur est intégré à l’avion. Mais aussi en imaginant des ruptures. Aujourd’hui, les ruptures telles qu’on les voit, sont des ruptures relatives aux sources d’énergie. Le kérosène qui est utilisé dans les avions, il est efficace, mais il produit beaucoup de gaz à effet de serre, le CO2 en particulier. On s’est fixé comme objectif à l’horizon 2050, de réduire de moitié les émissions de CO2 d’aviation par rapport à 2005. Ce qui est un vrai challenge compte tenu du fait que le trafic aérien va triplé d’ici 2050. Il faut donc envisager plusieurs voies pour atteindre cet objectif ambitieux. Une première voie, c’est celle de l’utilisation des carburants alternatifs ou bien des biocarburants ou les carburants de synthèse. On reste dans des carburants qui produisent du CO2, mais on n’utilise pas de l’énergie fossile. Ensuite, il y a une deuxième voie, qui est de changer complètement de paradigme. Là, on s’oriente ou bien vers l’avion électrique ou plus électrique, ce qu’on appelle l’avion hybride, ou de l’hybridation thermique électrique, cela est une vraie révolution.

Une deuxième révolution qui pourrait avoir lieu, peut-être à un horizon un peu plus lointain, c’est d’utiliser d’autres combustibles comme l’hydrogène qui permettrait de décarboner complètement l’aviation puisque lorsqu’on fait brûler de l’hydrogène au final qu’est-ce qu’on obtient ? On obtient de la vapeur d’eau, qui peut poser d’autres problèmes. Notamment par rapport aux traînées de condensation qui ont aussi un impact climatique et qui est important d’étudier. Tout ceci va avoir un impact non négligeable sur les configurations des avions parce que si on change les sources d’énergie, on va changer les moteurs, on va changer plein de choses et donc la forme des avions telle qu’elle est aujourd’hui, va être amenée à changer de façon significative pour atteindre cet objectif de réduction de l’empreinte environnementale. On est donc à un tournant, c’est extrêmement motivant pour toutes les personnes qui sont dans ces études et recherches dans le domaine aéronautique.

 Pouvez-vous nous faire part d’1 ou 2 projets développés entre l’ONERA et Airbus ?

J’ai eu la chance de participer à un projet phare en coopération directe avec Airbus Helicopters qui était sur le développement de retors d’hélicoptères silencieux. C’est une histoire qui remonte aux années 1990 lorsque Eurocopter aujourd’hui Airbus Helicopters est venu nous voir, à l‘ONERA, Centre de Recherche Aérospatial, et son équivalent européen la DLR nous disant : « Ont fait de super hélicoptères, mais on a un problème ! Les rotors sont bruyants ! Débrouillez-vous, proposez-nous des concepts, dessinez-nous des rotors qui feraient deux fois moins de bruit, que les rotors actuels ! ».

On a commencé à se poser des questions, a mené des études, écrire des équations, à développer des modèles, à imaginer des formes de pales en coopération entre les aérodynamiciens, les acousticiens, les personnes de la mécanique des structures. On a compris les phénomènes physiques qui étaient à l’origine du bruit, on en a déduit des formes des pales, un petit peu tarabiscoté, pas rectangulaire, mais en doubles pales. Ces pales, on les a conçues, on les a fabriquées, on les a testées en soufflerie. Tout cela avec le regard bienveillant de l’industrie qui était partie prenante du projet. Les essais qu’on a pu faire grâce à nos souffleries ont montrés qu’effectivement ce concept permettait de réduire le bruit de 50 %. Cela a été le début de l’histoire. On a eu d’autres projets qui se sont poursuivis en coopération entre l’ONERA et Airbus Helicopters pour traduire ce concept sur un vrai hélicoptère qui vole, puisqu’en soufflerie, on a utilisé des modèles réduits. Plus récemment, Airbus Hélicoptères a annoncé le développement de son futur appareil, successeur du dauphin,  le fameux H160, qui va être équipé de pales à double flèches dite silencieuse, donc 50 % de moins de bruit qui ont trouvé leurs origines dans ce projet auquel j’ai eu la chance de participer. Ça, c’est une réussite! On est parti d’une feuille blanche jusqu’à voir voler l’hélicoptère, c est une grande fierté.

 

 

 

 

L’équipe

  • Une interview de Halim BENNADJA, chef de projet à l’Association Odyssée Céleste
  • Réalisation/montage : Halim BENNADJA
  • Date: Février 2020
  • Copyright :  ONERA /Association Odyssée Céleste/ Airbus Helicopters

 

Lire la suite de l'article

Philippe BEAUMIER, Directeur Aéronautique Civile de l’ONERA