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Marc Valès, Directeur des programmes spatiaux chez Dassault Aviation

par | Nov 2, 2022 | Interviews / Podcasts, Non classifié(e), Retrouvez toutes nos actualités | 0 commentaires

L’interview d’odyssée céleste de Marc Valès, Directeur des programmes spatiaux chez Dassault Aviation.

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En podcast :

Parcours d’étudiant

J’ai enchaîné jusqu’à un DEA de mathématiques appliquées, donc plutôt sur la physique, parce que j’étais intéressé par la physique et, dans les mathématiques appliquées, j’ai taquiné un petit peu aussi le nucléaire, l’éolien, ce qui s’appelait à l’époque les énergies nouvelles, qui sont aujourd’hui moins nouvelles. Mais dans les années 1980, c’était nouveau! Donc j’ai baigné un petit peu là-dedans aussi, et puis j’ai préparé ma thèse sur le sujet de la modélisation mathématique des matériaux à isotropes discontinus. À l’époque, on n’avait pas d’outils mathématiques pour les matériaux fibreux (les fils de verre, les tissus etc.), donc c’est sur ça que j’ai préparé ma thèse. Et puis en même temps, j’ai continué à enseigner. Je suis d’une famille d’enseignants, plutôt de philosophie ou d’histoire-géographie d’ailleurs, des vraies sciences.

 Dassault Aviation

Dassault Aviation, c’est une entreprise magique. J’ai rencontré énormément de gens de grandes valeurs dans cette entreprise, parce qu’elle est cartelée entre deux mondes qui sont complètement différents, et ça les renforce. D’un côté, les avions militaires, la défense pour le compte de l’État, dans lequel on travaille avec les armes. On n’est pas des mercenaires, on ne les fait que sur commande de l’Etat de façon très précise, avec des instructions très détaillées, des spécifications qui font des centaines ou des milliers de pages et c’est quelque chose, un cadre un cadre de fonctionnement qui est très rigoureux. Et puis de l’autre côté, on a les avions d’affaires, où les clients sont très exigeants. En général, ce sont des clients qui sont assez riches et donc assez pingres; c’est rare que les gens riches ne soient pas attentifs à l’argent.  Ils ont des exigences très précises mais, en même temps, elles sont exprimées oralement. Il n’y a pas de spécifications, de caractéristiques très ouvertes et donc, il faut réussir à satisfaire et Dassault Aviation est une entreprise dans laquelle il y a véritablement d’énormes compétences techniques. Il y a franchement une capacité technique impressionnante et tout le monde travaille à peu près la moitié du temps soit pour le militaire soit pour le civil. Il n’y a pas une entité qui s’occupe du civil et une entité qui s’occupe du militaire. Les vendeurs, si, mais même les vendeurs alternent dans leur parcours professionnel, donc les gens qui sont complètement à l’interface sont évidemment dédiés et donc, les vendeurs, c’est pas péjoratif du tout, sont les gens qui sont en interface et ne font pas les deux à la fois. Mais tout le reste de l’entreprise fait complètement ces deux activités-là à la fois. Et l’espace est inscrit dedans aussi, d’ailleurs. Il n’y a aucune équipe spécifique ‘espace’, et il y a aussi des gens qui font des avions militaires, des avions civils et du spatial, ils en font de temps en temps, et ils ont beau avoir les compétences, ils ne vont en faire qu’un petit peu, de temps en temps, mais ça, ça donne une capacité particulière à l’entreprise. C’est-à-dire qu’elle va être capable à la fois de faire le meilleur avion du monde militaire, puisque une arme, il faut qu’elle soit meilleure que celle d’en face, parce que sinon elle sert à rien. “Quand on a une épée plus lourde que le gars d’en face, on meurt”. Donc il n’y a pas d’alternatives. C’est vrai qu’il y a la dimension du coût qui n’est pas la même, c’est la valeur qui compte, et donc ça veut pas du tout dire qu’il n’y a pas de budget, qu’il faut pas de budget etc. mais, on a besoin d’excellence, donc on va chercher l’excellence, et c’est absolument nécessaire.

Une rencontre particulière

Oui, sans aucun doute. Lors de mon stage à Vernon, j’ai rencontré une personne absolument exceptionnelle qui s’appelle – qui s’appelait, malheureusement, il est défunt – Alain Souchier.

Alain Souchier (1947-2017), c’était un ingénieur motoriste, je pense, franchement, un des meilleurs du monde, et c’était impressionnant. Il était à la fois excellent et très accessible, il adorait son métier, il adorait communiquer.  C’était vraiment une figure pour moi. Quand j’étais à Vernon, il était encore là, et puis quand je suis revenu à Vernon dans le cadre d’ArianeGroup, je me suis rendu compte que, 23 ans plus tard, je reprenais sa fonction, directeur des programmes futurs de cette belle entreprise à Vernon.

Ça m’a fait un coup au cœur parce que c’est vraiment une personne que j’avais énormément admirée et puis, en même temps, ça m’a donné l’impression que le niveau baissait parce que je ne me sentais pas du tout du tout au même niveau d’excellence qu’il était. Je me dis “bah voilà, ça change un peu d’organisation parce que, finalement, on me donne ce poste-là mais je n’ai pas le même profil; j’ai peut-être d’autres qualités mais je n’ai pas le même profil que celui qu’avait Alain Souchier”, donc ça dénote un petit peu une évolution de l’entreprise.

 

Les activités pyrotechniques

Je vais commencer par préciser que, pour Dassault Aviation, et dans l’aviation de manière générale, la sécurité, c’est ce qui permet que l’aviation fonctionne. C’est plus énergétique, ça va plus vite, ça devrait être plus dangereux et, grâce à plein de choses, grâce à plein de prouesses technologiques, de procédures et de réglementations, on arrive à faire de l’aviation, finalement, le moyen de transport le plus sûr du monde, alors que c’est pas ‘à qui parle beaucoup’.  Et avec ça, du côté de Dassault, il y a aussi deux choses qui sont très importantes. La première, c’est que le pilote doit être en permanence en maîtrise complète de son véhicule, donc tout ce qui est les commandes de vol depuis le manche jusqu’à la pointe de toutes les surfaces mobiles, c’est intégralement fait par Dassault, à la fois conçu, pensé, fabriqué etc., pour être certain que ça n’échappe pas au contrôle. C’est pareil pour les éléments de sécurité, et donc, la pyrotechnie intervient.

Démonstrateur XV et le Space Rider

Ce sont des petits avions spatiaux,  ce sont des démonstrateurs d’avions spatiaux. C’était né il y a très longtemps en France,  au CNES, et ç’a été appliqué dès le début, c’est un peu une succession. C’est après Hermès, qui a été conçue mais elle n’a pas volé. Après ça, Dassault a fait un autre projet pour le compte de la NASA, le X38 qui, lui, a volé. Il n’a pas fait une rentrée complète, il n’a pas été au bout de son développement parce que c’est des vaisseaux Soyouz qui ont été choisis pour faire le sauvetage des équipages de la station internationale (ISS), c’était l’X-38 qui était dévoué à ça normalement, à cause de la chute de l’URSS, du partage des responsabilités. Donc voilà, ça c’est un projet, Dassault n’a pas eu trop de chance sur les avions spatiaux, au début. On n’a pas réussi à les commercialiser, on les a développés mais on ne les a pas commercialisés. L’idée, au fur et à mesure que la connaissance se précisait sur les rentrées hypersoniques; la maîtrise, pas simplement de la tenue des matériaux en entrée hypersonique, mais la maîtrise du profil de vol. La différence entre un avion et puis une fusée ou un missile, c’est qu’un missile ou une fusée suit une trajectoire la plus lisse possible pour avoir la meilleure performance à l’arrivée, ça reste sur cette trajectoire, alors qu’un avion, on doit qualifier un domaine de vol, parce qu’on ne sait pas exactement :  ça va pas toujours au même endroit, la météo fait qu’on change, on va tourner, on veut changer, etc

 

Dassault Aviation est un groupe aéronautique français dual qui propose des avions militaires et des avions d’affaires. Créateur, en un siècle, d’une centaine de prototypes et de plus de 10 000 avions vendus dans 90 pays. Le Directeur du programme spatial s’occupe du développement des avions aérospatiaux en partenariat avec l’ESA, ArianeGroup, Thales et le CNES.

 

L’équipe

  • Une interview de Halim BENNADJA, chef de projet à l’Association Odyssée Céleste
  • Réalisation/montage de la vidéo: Halim BENNADJA
  • Copyright :Association Odyssée Céleste/ Dassault Aviation/Association Planète Mars/ ESA