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Jérôme Vila, Deputy-CEO de MaiaSpace. Filiale d’ArianeGroup.

par | Mar 11, 2024 | Interviews / Podcasts, Retrouvez toutes nos actualités | 0 commentaires

 

« Croyez en vos rêves ! Il y a plein d’exemples de réussites dans la société.»

 

L’interview d’exception de Jérôme Vila, Deputy-CEO de MaiaSpace:

 « Le lanceur Maia est un lanceur dont le premier étage est réutilisable et sous forme d’option, c’est  important dans le modèle économique de la société. Un peu comme le cas du Falcon de SpaceX, il y a des missions pour lesquelles l’étage n’est pas récupéré. On est autour de 500 kg en orbite basse et c’est une certaine typologie de marché. Il s’agit de petits satellites d’observation, il y a quelques satellites institutionnels, mais plutôt des satellites privés. A contrario, si je décide de ne pas récupérer l’étage, donc de profiter de la pleine performance de mon lanceur, là on va monter jusqu’à 2,5 tonnes et on pourra servir une autre typologie de client avec des satellites plus ambitieux, des constellations de petits satellites. »

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En podcast :

 

Vue d’artiste. © Maiaspace

Je suis Jérôme Vila, je suis chez MaiaSpace en tant que Directeur de programme. Cela fait un peu moins de 30 ans que je travaille dans le spatial, sur les fusées.

 

Parcours d’étudiant

Parcours assez classique dans le milieu des ingénieurs. J’ai fait des classes préparatoires scientifiques à la suite desquelles j’ai intégré une école d’ingénieure, l’École Centrale. Ensuite je n’avais pas un fléchage direct, naturel vers le spatial. C’est venu au travers des expériences, des stages en particulier. J’ai fait deux stages chez ce qui est devenu ArianeGroup, mais à l’époque c’était des sociétés différentes. Un stage en Allemagne chez maintenant ArianeGroup Brême et puis un stage aux Mureaux chez ArianeGroup France. Cela m’a donné le feu sacré du spatial, l’envie de continuer, de faire une carrière là-dedans. J’ai enchaîné avec un service militaire détaché à l’Agence Spatiale française, le CNES où j’ai été embauché par la suite.

Parcours professionnel

Là aussi c’est assez classique et c’est important de le préciser. J’ai souvent coutume de dire aux jeunes de respecter les étapes parce que j’y suis allé un peu vite et cela a pu me gêner par la suite. On commence toujours par des métiers techniques et il faut passer les années nécessaires pour que cette base technique soit assimilée. Qu’on ait des fondamentaux qui soient solides pour faire ensuite peut-être du management, de la gestion de projet. Si on n’a pas passé assez longtemps par la case technique, on ne fait pas forcément un bon encadrant, on ne fait pas un bon chef de projet parce qu’à un moment donné on décroche de la pertinence et on ne prend pas les bonnes décisions. J’ai fait 3 à 4 ans d’ingénieur technique, j’ai travaillé sur le décollage d’Ariane 5 ECA. Elle était en conception à l’époque,  il fallait concevoir la phase de décollage, la taille des tuyères et comment elle se déboitait de la table de lancement. C’était en chantier, on a contribué  à étudier ces phases-là et à permettre de prendre des décisions sur la conception du décollage, les séparations des étages, les séparations des Boosters qui s’éloignent d’Ariane 5, la première partie du vol et puis les autres séparations, les étages supérieurs, la coiffe et les retombés. Cela a été ma base technique, mon métier technique. Au bout de quelques années, on m’a encouragé à prendre des fonctions qu’on appelle projet, qui sont plutôt de direction, d’encadrement de travaux, qui sont engagés dans d’autres sociétés. Le CNES était maître d’œuvre de la conception d’Ariane 5, c’était lui le chef d’orchestre pour animer tout ce réseau industriel qui concevait, puis construisait la fusée. J’ai eu en charge d’abord la coiffe, la partie qui protège le satellite. Il fallait aller toutes les semaines chez l’industriel suisse, qui fabriquait la coiffe, pour suivre son développement, donner les orientations, aider à prendre des décisions techniques et puis cadenasser cela pour que ça arrive au bon moment, à la fin du développement d’Ariane.

 

Maiaspace

 Je ne qualifierais pas MaiaSpace de start-up au sens propre du terme. Pour deux raisons : la première raison, au moment où la société c’est constituée, cela résultait déjà d’une réflexion, il y a eu une période d’incubation. Ce n’est pas une étincelle qui fait jaillir ex nihilo une idée qui est souvent la période qu’on qualifie de start-up et avec une croissance exponentielle. La deuxième raison, c’est que justement qu’il y a pas une croissance exponentielle dans le spatial donc on est dans quelque chose de plus rationnel. Nous sommes une filiale dArianeGroup et c’est pour de bonnes raisons. Nous savons que nous travaillons  dans un secteur qui est compliqué, où la maîtrise technique est longue et douloureuse à acquérir. Donc on essaie de construire du nouveau en se posant sur des bases solides.

MaiaSpace c’est une filiale d’ArianeGroup, une spin off d’ArianeGroup, une petite société à côté des grands frères Ariane qui développe un mini lanceur, une fusée de petites capacités plus précisément dont le premier étage est réutilisable. On vient en complément des grosses fusées qui servent les intérêts stratégiques et commerciaux comme Ariane et les autres lanceurs qui sont accompagnés par les Agences Spatiales en Europe. Plutôt pour nous consacrer au secteur privé, l’orbite basse et les petits satellites. On retrouve la performance de notre fusée suivant les missions, suivant qu’on réutilise ou pas l’étage. Elle varie entre 500 kg et 2,5 tonnes à peu près en orbite basse. On  a donc cette identité un peu hybride de nouvelles sociétés, mais qui a des racines profondes dans l’histoire d’Ariane et c’est aussi ce qui explique notre proximité avec ArianeGroup. Ce dernier étant à la fois notre actionnaire, notre fournisseur pour les moteurs par exemple. On achète les moteurs à ArianeGroup parce qu’ils font très bien les moteurs.

Le lanceur réutilisable Maia

 

Vue d’artiste. © Maiaspace

 Le lanceur Maia est un lanceur dont le premier étage est réutilisable et sous forme d’option, c’est  important dans le modèle économique de la société. Un peu comme le cas du Falcon de SpaceX, il y a des missions pour lesquelles l’étage n’est pas récupéré.

On est autour de 500 kg en orbite basse et c’est une certaine typologie de marché. Il s’agit de petits satellites d’observation, il y a quelques satellites institutionnels, mais plutôt des satellites privés. A contrario, si je décide de ne pas récupérer l’étage, donc de profiter de la pleine performance de mon lanceur, là on va monter jusqu’à 2,5 tonnes et on pourra servir une autre typologie de client avec des satellites plus ambitieux, des constellations de petits satellites. On peut aussi ajouter un kick stage qui fait partie aussi du lanceur Maya, c’est un 3e étage qui est optionnel. Je peux faire récupérable, non récupérable avec ou sans kick stage. Cela fait une combinatoire de 6, 6 configurations, donc 6 performances.

La question qui se pose automatiquement c’est avez-vous déjà prévu, à l’image du lanceur Ariane, les évolutions possibles comme Ariane 1, 2, 3, 4, 5 et 6 ?

Effectivement vous avez raison de souligner cela car ça nous démarque un peu des autres aventures qui nous ressemblent. L’incubation ça a ça de bon, c’est qu’on a eu le temps de réfléchir au chemin qu’on voulait prendre et a pensé le temps long.

L’association Odyssée Céleste s’efforce généreusement depuis de nombreuses années à réaliser des interviews avec des personnalités d’exceptions du monde scientifique (professeurs-chercheurs émérites, inventeurs hors pair.) et de l’industrie afin de favoriser leurs visibilités auprès du public français. Pourquoi ? Pour mettre en exergue les différentes possibilités de participer aux grands projets scientifiques et industriels auxquels la France et les Français participent. Favoriser l’instauration de bons repères, de bonnes connexions auxquelles des jeunes pourront s’identifier et transmettre les bonnes informations afin de se projeter socialement et professionnellement en bonne intelligence. Chaque personne interviewée représente l’écho d’un centre de recherche, d’une institution gouvernementale, d’une école d’ingénieur, et de vécus personnels. « Vivre vaut la peine si l’on peut contribuer d’une petite manière à cette chaîne sans fin de progrès. » Paul Dirac, Mathématicien, Physicien, Scientifique (1902 – 1984).
 

Deux grands projets qui vous ont le plus marqués

D’abord une expérience technique, au moment où j’ai débuté au CNES. Dans mon portfolio d’activités, il y avait les retombées d’étages que j’ai été amené à suivre puisque j’avais cette activité à aller observer in situ des retombées d’étages pour recaler nos modèles de simulation. On faisait des simulations où est-ce que l’étage va retomber ? Comment  va-t-il se fragmenter ?  Comment ces fragments vont se répartir sur une zone de débris ? Donc on calcule et puis évidemment on s’assure que cela retombe dans les zones inhabitées donc au milieu des océans. On interdit des zones pour ne prendre aucun risque.

L’expérience que je vais raconter c’est sur la deuxième partie du vol. Les premières missions où j’ai été amené à suivre une situ les retombés, c’est ça qui est magique, ça a été la mission Rosetta donc l’étage que je suivais est retombé dans le Pacifique autour des îles Galápagos donc en évitant les îles. J’ai été amené à préparer une mission avec un avion équipé d’un radar, de caméras aussi pour aller observer la retombée.  Là je le raconte calmement, vous pouvez imaginer l’émotion. La mission partait vers Rosetta c’était pas mal comme mission assez sympa. Puis quand vous êtes jeune ingénieur, que vous avez préparé ça que vous avez calculé que la zone de retombée ça allait être là, que vous demandez au pilote de l’avion qui était un astronaute en plus :  « tu vas tourner comme ça, à cette vitesse-là et là ça devrait être bon ! ».  Vous y croyez qu’à moitié. Mais le truc magique, c’est la magie de la technologie, c’est quand c’est bien fait, ça se passe bien. Au moment où il tourne, il y a une lumière qui s’allume dans le ciel, c’est l’étage dont vous avez calculé la trajectoire qui est en train de rentrer dans l’atmosphère. Il chauffe, il diminue et quand vous voyez ça il y a une émotion très forte de réussite, mais surtout de dire tout ce qu’on calcule ça fonctionne !

Une rencontre particulière

Peut-être plus tard, il me vient une rencontre qui est inspirante.  Tard dans ma carrière, j’ai travaillé avec Jacques Blamont qui était un des fondateurs du CNES même peut-être le fondateur du CNES. Et qui a 93 ans continuait à travailler au CNES. Cela marque un personnage comme ça. Celui qui a eu la vision de créer la filière Ariane, le Centre Spatial de Kourou en Guyane française, qui a créé l’outil de l’Agence Spatiale française au service de cette ambition. Il a aidé à créer l’agence spatiale indienne donc il avait aussi l’esprit  que c’est une aventure pour l’humanité.

 

Pour être complémentaire, Jacques Blamont avait aussi organisé, géré les lancements des fusées-sondes, Véronique…  en Algérie.

 C’est vrai.

Il avait aussi choisi plus spécifiquement le lieu de la base de lancement en Guyane française.

En effet. J’avais eu la chance de le croiser, d’échanger avec lui. On avait échangé à l’époque sur l’arrivée de SpaceX et comment il avait analysé cette situation. Il nous a beaucoup inspiré sur ce qu’on a fait par la suite pour essayer de redonner comme ça un élan à Ariane d’une certaine manière, ce qu’on essaie de faire aussi modestement chez MaiaSpace.

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Jérôme Vila, Directeur de programme chez Maiaspace.